Le Nord pique facilement la curiosité en raison des légendes à son sujet et de son immensité, son isolement et son inhospitalité. S’y rendre est une tâche complexe : les routes y sont rares et difficilement praticables, les étendues d’eau y sont glacées plusieurs mois par année et le service par avion y est dispendieux.

Cette inaccessibilité semble cependant augmenter d’autant l’attrait de ces endroits, fréquentés par quelques milliers d’aventurier(e)s chaque année. Si certains d’entre eux préfèrent l’utilisation de véhicules à moteur comme les automobiles et les motocyclettes, quelques dizaines d’entre eux préfèrent utiliser la plus noble invention de l’être humain : la bicyclette.

On compte actuellement quatre grandes routes nordiques en Amérique : la Dalton Highway, la Dempster Highway, la route de la Baie James et la route Translabradorienne. Le défi ultime consiste à parcourir toutes ces routes isolées, chacune d’entre elles garantissant son lot de défis et d’aventures.

Dalton Highway, 1974 (8 jours)

La Dalton Highway[1],[2], en combinaison avec une section de la Elliott Highway[3] et de la Steese Highway[4], relie la ville de Fairbanks (pop. 32 070) et le village de Deadhorse (pop. 25 (3 000 temporaires)), en Alaska. Avec la Dempster Highway, il s’agit d’une des deux seules routes traversant le cercle polaire en Amérique du Nord. Elle atteint même le 70e parallèle, ce qui en fait la route la plus nordique du continent. Il s’agit aussi de la seule route nord-américaine rejoignant actuellement l’océan Arctique. La côte appartient cependant à British Petroleum et il est interdit de s’y rendre, à moins de le faire dans le cadre d’une visite organisée (et supervisée).

Cette route de 790 kilomètres croise uniquement le village de Wiseman (pop. 16) et le relais routier de Coldfoot. Les seuls autres services se trouvant le long de la route sont des toilettes sèches, situées au plus à tous les 95 kilomètres. Un bureau de poste se trouve à Coldfoot, mais celui-ci n’est ouvert que trois fois par semaine, de 13 h 30 à 18 h 00, ce qui complique grandement le ravitaillement en nourriture.

Dalton Highway – Photo de etherlore, Flickr

La Dalton Highway est pavée sur approximativement 25 % de sa longueur (les sections pavées sont toutes situées au sud de Coldfoot). La Elliott Highway et la Steese Highway sont quant à elles asphaltées sur les sections menant à Fairbanks. L’état de ces routes est imprévisible, notamment en raison de la présence de pergélisol et de camionnage soutenu. On peut toutefois en avoir un aperçu avec Google Street View[5], et ce, en tout point de ce trajet.

Il faut prévoir au moins huit jours à vélo pour parcourir la route d’un bout à l’autre, en deux étapes de 405 et 385 kilomètres. La première étape est très montagneuse avec un dénivelé de plus de 6 000 mètres. La deuxième a un dénivelé presque trois fois moins élevé, mais franchit le col Atigun à 1 463 mètres d’altitude. Les pentes y atteignent fréquemment des inclinaisons de 10 à 12 %.

La route suit l’oléoduc trans-Alaska sur toute sa longueur. Ce dernier est construit en surface et fait donc partie du paysage de la Dalton Highway. Les arbres sont rares ou inexistants le long de la route. La région est balayée par des vents violents et reçoit habituellement de la neige tous les mois de l’année, sauf en juillet. Le terrain est très accidenté au sud de la chaîne Brooks, mais devient plat une fois passé le col Atigun.

Dalton Highway – Photo de etherlore, Flickr
Dempster Highway, 1979 (15 ou 19 jours)

Le paysage de la Dempster Highway ressemble beaucoup à celui de la Dalton Highway, de même que son climat. Cela n’est pas étonnant sachant que les deux routes ne sont éloignées que de quelques centaines de kilomètres.

La Dempster Highway[6] relie le Yukon aux Territoires du Nord-Ouest. Deux points de départ sont généralement utilisés pour cette route. Le premier est la ville de Whitehorse[7] (pop. 23 276), au Yukon, pour une distance de 1 310 kilomètres via la Klondike Highway[8]. Le deuxième est la ville de Watson Lake[9] (pop. 802), également au Yukon, pour une distance de 1 725 kilomètres via la Campbell Highway puis la Klondike Highway.

Présentement, la route se termine à Inuvik (pop. 3 463), mais des travaux sont en cours pour la prolonger jusqu’à Tuktoyaktuk7 (pop. 854). Les deux équipes de travail se sont rejointes l’hiver dernier et les travaux devraient être achevés à l’automne 2017. Cet hiver devrait donc marquer la fin de la route de glace qui les reliait dans le passé. Cette prolongation ajoutera environ 140 kilomètres à la Dempster Highway. Il s’agit de la seule route traversant le cercle polaire arctique au Canada et, avec ce prolongement, elle sera la première route accessible au public en Amérique du Nord à rejoindre l’océan Arctique.

Dempster Highway – Photo de Gord McKenna, Flickr

La Klondike Highway est pavée de Whitehorse à Dawson City (pop. 1 319), mais la Campbell Highway ne l’est que sur 40 % de la longueur. En partance de Watson Lake, il faut franchir 590 kilomètres, avec un dénivelé de plus de 5 000 mètres, pour rejoindre Carmacks (pop. 503). Depuis Whitehorse, cette distance n’est que de 180 kilomètres et la route y est plate. Il n’y a aucun service sur cette courte section de la Klondike Highway et uniquement deux villages sur la Campbell Highway : Ross River (pop. 313) et Faro (pop. 344). L’intervalle le plus grand entre ces agglomérations est de 360 kilomètres. Rejoindre Carmacks par ces deux trajets devrait respectivement nécessiter six et deux jours en selle.

Une fois arrivé, il faut encore parcourir 355 kilomètres pour atteindre Dawson City (pop. 1 319). Seul le village amérindien de Pelly Crossing (pop. 290) se trouve sur cette route, en plus du relais routier de Stewart Crossing. Au départ de Dawson City, on doit rebrousser chemin sur 40 kilomètres pour se rendre au début de la Dempster Highway. Celle-ci est en gravier et est extrêmement isolée. Quatre cent dix kilomètres séparent Dawson City du premier relais routier de cette route : Eagle Plains. Pour ce faire, il faut d’abord gravir le col North Fork, dont le sommet se trouve à 1 321 mètres d’altitude.

Il n’y a pas de bureau de poste à Eagle Plains, et celui de Fort McPherson (pop. 702) se trouve 180 kilomètres plus au nord. Cela signifie qu’il est nécessaire de transporter des vivres pour six jours en partance de Dawson City. Heureusement, les 365 kilomètres séparant Eagle Plains et Inuvik sont relativement plats. La route étant en gravier, on doit prévoir quatre jours à vélo pour cette section. Ce rythme moins soutenu est une bonne opportunité de visiter la communauté des Premières Nations de Tsiigehtchic (pop. 143), se trouvant à mi-chemin et offrant tous les services.

Lorsque la route sera complétée, il faudra deux journées supplémentaires pour rejoindre Tuktoyaktuk. Puisque la route est construite dans le Delta de la rivière Mackenzie, celle-ci devrait être exempte de côtes d’importance.

Route de la Baie James, 1974 (8 ou 10 jours)

La route de la Baie James relie Matagami (pop. 1 511) à l’aménagement Robert-Bourassa, près de Radisson (pop. 270). Matagami ne se trouvant pas à la jonction d’une route passante, comme pour la Dempster Highway, le départ doit se faire plus au sud. On compte deux points de départ pour cette route. Le premier est la ville de Val-d’Or[10] (pop. 32 789), pour une distance de 865 kilomètres, via les routes #111 et #109. Le deuxième est la ville de Saint-Félicien[11] (pop. 10 386) : un trajet de 1 025 kilomètres via la route #167 puis la route du Nord.

En partance de Val-d’Or, la route ne croise que les villes d’Amos (pop. 12 671) et de Matagami (pop. 1 526), respectivement à 65 et à 250 kilomètres, avant d’atteindre Radisson. Cette section intégralement pavée ne nécessite que deux jours de pédalage et laisse 615 kilomètres à parcourir, soit le plus grand écart entre deux villes parmi les quatre grandes routes du Nord américain. Heureusement, un relais routier se trouve 380 kilomètres au nord de Matagami. Cette imposante distance peut être parcourue à bicyclette en cinq jours, mais à des fins de sécurité, il vaut mieux transporter de la nourriture pour une journée supplémentaire.

Depuis Saint-Félicien, on atteint d’abord la ville de Chibougameau (pop. 7 555) après 230 kilomètres puis le village cri de Nemiscau (pop. 651) après 560 kilomètres. La route #167 étant asphaltée, cinq jours devraient suffire à un(e) cyclotouriste pour atteindre Nemiscau. Cette deuxième trajectoire réduit la distance à parcourir en autonomie à 465 kilomètres, et rapproche d’autant le relais routier. À la différence de la route de la Baie James, la route du Nord est en gravier. Cinq jours en selle sont nécessaires pour compléter ce trajet.

Au bout de la route, la ville de Radisson offre tous les services. En l’absence d’un océan pour marquer la fin de cette aventure, la centrale La Grande 2 et son évacuateur de crues en forme d’escalier sont situés à quelques kilomètres seulement. Pour une finale encore plus marquante, le village cri de Chisasibi (pop. 6 000) ne se trouve qu’à une journée de vélo à l’ouest de Radisson. La route pour s’y rendre croise la centrale La Grande 1 et se termine sur les rives de la Baie James, à la frontière du Nunavut.

Barrage La Grande 1 – Photo de Axel Drainville, Flickr

La route de la Baie James se distingue des trois autres routes par son relief peu accidenté. En l’absence de cols d’envergure, la quantité de points de vue est cependant grandement réduite. Les étés y sont plus chauds que dans le cas des deux routes de l’ouest, mais la température des mois de juillet et d’août est propice à la propagation d’insectes tels que les mouches noires. Pour ces raisons, le mois de juin est donc optimal pour visiter la région.

La jonction vers la route Transtaïga se trouve 75 kilomètres au sud de Radisson. Celle-ci est en gravier et s’étend 666 kilomètres vers l’est. Elle se termine au réservoir de Caniapiscau. Il s’agit de la route la plus isolée en Amérique du Nord, sa limite se trouvant à 740 kilomètres de la ville la plus proche. Selon des journaux de bord disponibles en ligne, cette route a déjà été empruntée par des cyclistes.

Route Translabradorienne, 2009 (15 jours)

La route Translabradorienne[12] est constituée des routes #510 et #500, à Terre-Neuve et Labrador, et de la route #389, au Québec. Elle relie Baie-Comeau (pop. 22 006) et Blanc-Sablon (pop. 1 067), sur une distance de 1 700 kilomètres, en passant par Labrador City (pop. 7 367), Happy Valley-Goose Bay (pop. 7 572) et les villages du sud de Labrador. La route Translabradorienne est unique, puisqu’elle est la seule pouvant former une boucle.

Cette spécificité signifie qu’il n’est pas nécessaire de parcourir la route dans les deux directions, une fois l’atteinte de son extrémité. Deux variantes existent : la boucle passant par les provinces de l’Atlantique, en empruntant les traversiers de Baie-Comeau à Matane, de North Sydney à l’île de Terre-Neuve, puis de St. Barbe à Blanc-Sablon; et la boucle empruntant la #138 puis le traversier de Kegaska à Blanc-Sablon.

Route #389 – Photo de Félix-Antoine Tremblay

Dans le sens horaire, c’est-à-dire en débutant à Baie-Comeau en direction Nord, il faut parcourir 585 kilomètres pour atteindre Labrador City. Des relais routiers sont présents aux kilomètres 95, 211 et 317, ce qui constitue de bons arrêts pour les trois premières journées.

La route #389 est étroite et sinueuse sur toute sa longueur. Elle est pavée sur 70 % de sa longueur et les pentes y atteignent souvent entre 10 et 15 %. Une pente à 18 % se trouve même au pied du barrage Daniel-Johnson (centrale Manic 5). Une fois passée la frontière du Labrador, la route #500 est quant à elle entièrement asphaltée et construite selon les normes contemporaines. Si les pentes sont plus faibles de ce côté de la frontière, le nombre de côtes ne diminue malheureusement pas.

Barrage Daniel-Johnson – Photo de Félix-Antoine Tremblay

À la sortie de Labrador City, il faut parcourir 240 puis 285 kilomètres pour atteindre les villes de Churchill Falls (pop. 650) et de Happy Valley-Goose Bay. Une fois au bout de la route #500, il faut rebrousser chemin sur cinq kilomètres pour retourner à la jonction de la route #510. Celle-ci n’a aucun service jusqu’à Port Hope Simpson (pop. 529) et n’est pavée que sur ses premiers et derniers 80 kilomètres, sur un total de 606 kilomètres.

Il faut parcourir 395 kilomètres afin de relier les deux villes. Heureusement, la route est large et les pentes sont faibles. La route traverse notamment le plateau Eagle, composé de marais et de forêt boréale. De Port Hope Simpson, il faut encore pédaler 140 kilomètres avant de retrouver la civilisation. Dès le retour sur une surface asphaltée, les pentes regagnent en inclinaison et la route devient étroite, ce qui n’est pas nécessairement un problème, puisque seules quelques dizaines de véhicules l’empruntent de façon journalière.

Route #389 – Photo de Félix-Antoine Tremblay

Pour plus d’information sur le vélo et sur ce genre d’aventures, vous pouvez suivre le Centre de réparation et d’ajustement de bicyclettes de l’ÉTS à l’adresse fb.me/CRABE.ETS ou passer nous voir à notre atelier situé au niveau S1 du pavillon A. 

[1] Itinéraire de Fairbanks à Deadhorse bit.ly/2b94R0a 
[2] Carte de la Dalton Highway bit.ly/2bsM14I
[3] Carte de la Elliott Highway bit.ly/2b7DrpT
[4] Carte de la Steese Highway bit.ly/2bkxdU5
[5] Aperçu Google Street View bit.ly/2bMIz4m 
[6] Carte de la Dempster Highway bit.ly/2bJoFqU
[7] Itinéraire de Whitehorse à Inuvik et position de Tuktoyaktuk bit.ly/2bMIuOg 
[8] Cartes de la Klondike Highway bit.ly/2bExyzO | bit.ly/2bE16g9 
[9] Itinéraire de Watson Lake à Inuvik bit.ly/2bsHKKg 
[10] Itinéraire de Val d’Or à l’aménagement Robert-Bourassa bit.ly/2bafcVl 
[11] Itinéraire de Saint-Félicien à l’aménagement Robert-Bourassa bit.ly/2bvibMZ 
[12] Itinéraire de Baie-Comeau à Blanc-Sablon bit.ly/2ba5ANj 

Cet article a d’abord été publié en septembre 2016 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].