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Retour en force

  • 1 novembre 2017/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
  • 0 commentaires /
  • Under : À la découverte du nord, Collaborations, Récits de vélo

Dans les dernières éditions de L’Heuristique, je publiais les cinq premières parties d’un texte concernant mon voyage le long de la route Translabradorienne, une route reliant Blanc-Sablon à Baie-Comeau, en passant par Labrador City.

Après environ 1 h 30 d’attente à l’urgence, j’ai finalement rencontré une infirmière. Après quelques questions, j’ai dû retourner dans la salle d’attente. Vers 4 h du matin, j’ai enfin pu parler à un médecin et, après une prise de sang, j’ai dû patienter deux heures avant de le revoir. Le verdict : rien. Je n’avais rien. Je n’étais même pas déshydraté. Voilà qui était rassurant…

Je suppose qu’après une centaine de journées à faire du vélo, mon corps avait développé un certain niveau de résistance. J’étais donc à 700 kilomètres de chez moi, seul, avec mon vélo, et j’étais malade, mais je n’avais « rien ». Le médecin s’apprêtait à me laisser partir ainsi, mais en discutant avec lui, j’ai réussi à obtenir un soluté et une prescription d’antibiotiques, de même qu’une dose de ces antibiotiques à consommer immédiatement.

À 7 h 30, j’étais prêt à partir. Je me sentais un peu mieux. Du moins, pour une personne malade et debout depuis 24 heures, dont plus de 12 sans boire, je me sentais « bien ». Heureusement pour moi, j’avais un contact Warmshowers[1] à Baie-Comeau. Je lui ai envoyé un message texte lui expliquant ma situation vers 6 h. Elle était déjà debout et, pour ajouter à ma chance, elle était médecin à cet hôpital. Le hasard fait bien les choses. Elle est donc venue me chercher vers 8 h, puis m’a reconduit jusque chez elle, avant d’aller travailler.

Baie-Comeau, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’ai passé cette journée et la suivante à dormir. Pendant ce temps, j’avais établi plusieurs scénarios : le premier était l’abandon complet, un de mes oncles m’offrait de venir me chercher; le deuxième était de repartir depuis Baie-Comeau et de rouler jusqu’à Kegaska, puis de revenir une autre année terminer la route #389; le troisième était de faire de l’autostop à nouveau pour retourner là où j’avais abandonné, près de Manic-Cinq. Dans un élan de détermination, j’ai opté pour le troisième.

Le lendemain matin, mon hôtesse m’a transporté jusqu’à la jonction entre la #389 et la #138. Après que j’aie attendu environ 30 minutes, un touriste a finalement accepté de me transporter jusqu’au kilomètre 180, soit là où j’avais flanché trois jours auparavant. Je suis arrivé à destination vers 13 h, ce qui me laissait amplement de temps pour rouler jusqu’au Relais Manic-Outardes, situé au kilomètre 94. Le trajet, bien que difficile, s’était très bien déroulé, et j’avais enfin retrouvé mon appétit! J’ai donc profité du service de cafétéria pour me rassasier.

Centrale Jean-Lesage, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’avais regagné confiance en mes capacités pour le reste de l’aventure. Cela dit, j’accusais un retard de trois jours sur mon échéancier. J’ai donc commencé à planifier la manière dont j’allais rattraper ce retard. Lors de mon passage à Saint John’s, j’avais rencontré un couple de cyclistes de Sept-Îles, lequel m’avait proposé une entrevue à Bonjour la Côte[2], une émission radio matinale de Radio-Canada. Cette entrevue avait lieu dans trois jours. Je devais donc franchir 330 kilomètres en trois jours, ce qui n’était absolument pas un problème. Par contre, même en ne prenant pas congé à Sept-Îles comme je l’avais prévu, cela ne me laisserait ensuite que deux jours pour en parcourir 470, un défi de taille.

Comme prévu, la route jusqu’à Sept-Îles ne s’est pas avérée bien difficile. Pour le premier tiers, la route #389 a continué à offrir des pentes à pourcentages élevés, mais je commençais à m’y faire. Ensuite, de Baie-Comeau à Baie-Trinité, j’ai à nouveau dû faire face à quelques bonnes côtes, mais rien en comparaison avec les plus difficiles sections de la #389. Une fois arrivé à Baie-Trinité, c’en était terminé avec les montagnes. Mis à part quelques buttes, la route suivait maintenant le bord du fleuve Saint-Laurent.

Franquelin, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Ce soir-là, j’ai campé sur les magnifiques plages de sable de la Côte-Nord. Le contraste entre Pointe-aux-Anglais et la route Translabradorienne était frappant. Il faisait soleil, il faisait relativement chaud, il n’y avait pas d’insectes, et la vue était à couper le souffle. Après une bonne nuit de sommeil, j’ai repris la route vers Sept-Îles. L’absence de côtes aidant, je roulais souvent à une trentaine de kilomètres-heure. Je suis arrivé à ma destination en fin d’après-midi. J’en ai profité pour retourner la caméra que j’avais « empruntée » à Labrador City et les pédales que j’avais achetées. Les miennes avaient finalement survécu jusqu’ici et j’allais enfin recevoir celles que je m’étais fait livrer par la poste.

Plage de Rivière-aux-Anglais – Photo par Félix-Antoine Tremblay
Sprint final

Après mon entrevue matinale, j’ai repris la route. Je devais rouler vite, et longtemps. Il était environ 10 h et mon objectif était d’atteindre Mingan ce soir, à une distance de 190 km. Il me restait une dizaine d’heures d’ensoleillement et je devais donc conserver une moyenne d’au moins 20 km/h, en incluant les pauses repas, les pauses photo, etc. Tout s’est passé très vite, ma concentration était pour une rare fois portée sur ma performance et un peu moins sur ce qui m’entourait. Heureusement pour moi, après plus de 11 000 km, mon corps était au sommet de sa forme.

Chute Manitou – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’ai donc atteint ma destination vers 19 h et j’ai installé ma tente au bord de la rivière Mingan. Je me suis réveillé au beau milieu de la nuit pour me soulager. C’est alors que je me suis souvenu que c’était la période des Perséides. Je suis donc resté une dizaine de minutes hors de ma tente à contempler les étoiles filantes, mais je devais retourner dormir. 190 kilomètres me séparaient encore de Pointe-Parent.

Rivière Mingan – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’ai pris la route vers 8 h et je suis entré dans Natashquan huit heures plus tard. Je suis arrivé à Pointe-Parent peu après. Mon contact Couchsurfing[3] m’attendait la veille, mais je l’avais informée de mon retard. Pendant le souper, elle m’a annoncé qu’elle partait le lendemain matin en voiture vers Mingan, à 8 h, plus précisément. C’est alors que m’est venue l’idée de rouler jusqu’à Kegaska en pleine nuit et de revenir avant son départ afin de profiter de son véhicule pour me rapprocher de Montréal.

J’ai mis mon cadran à 1 h, ce qui me laisserait un peu plus de 3 heures de sommeil. À 2 h, j’étais hors de la maison, armé de ma lampe frontale d’une puissance d’à peine 60 lumens. Je devais parcourir 90 kilomètres en 6 heures, mais la route était non pavée et, évidemment, non éclairée. Je devais conserver une moyenne d’au moins 15 km/h pour être de retour à temps.

La route était mauvaise. Je ne voyais pas les trous et la route était parsemée de « trappes de sable », lesquelles menaçaient constamment de me faire chuter. Vers 3 h 30, le soleil commençait à se lever et ma lampe frontale médiocre était désormais inutile. À 4 h 30, j’ai atteint le bout de la route #138, à Kegaska. Je suis arrivé juste à temps pour le lever du soleil. Faute d’une bonne caméra, j’ai cependant été incapable d’immortaliser ce moment, lequel restera toutefois longtemps gravé dans ma mémoire.

Kegaska, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’ai mangé deux CLIF Bar et j’ai rebroussé chemin. La noirceur n’était plus un problème, mais le vent commençait à se lever, et pas dans la bonne direction. J’avais mal aux côtes tellement la route était mauvaise, mais je ne pouvais pas abandonner maintenant. Les minutes s’écoulaient et l’atteinte de mon objectif n’était toujours pas certaine. Techniquement, je l’ai raté, d’ailleurs. Je suis arrivé à Pointe-Parent à 8 h 02.

Arrivée à Pointe-Parent, Québec – Photo par inconnue

Heureusement, mon hôtesse était encore là. Elle m’a donc transporté, victorieux, jusqu’à Mingan. J’ai eu à peine le temps de décharger ma bicyclette de son véhicule que j’avais trouvé mon prochain lift. Il s’agissait d’un cofondateur d’Équiterre. Il était en route pour La Malbaie et avait prévu quelques arrêts touristiques en chemin. Grâce à lui, j’ai donc pu visiter plusieurs endroits où je n’avais pas pu m’arrêter à vélo, par manque de temps. Il m’a déposé aux dunes de Tadoussac vers 22 h.

Bonus round

J’aurais pu continuer avec lui jusqu’à La Malbaie, mais il ne me manquait qu’un seul tronçon de la #138 afin de la compléter. En 2014, lors de mon tour du Québec, j’avais entre autres roulé de Québec à Baie-Saint-Paul et de Baie-Comeau à Tadoussac. Plus tôt lors de ma traversée du Canada, j’avais aussi roulé de Montréal à Québec sur cette route. Ayant maintenant complété la section située à l’est de Baie-Comeau, il ne me restait qu’à parcourir la section de Tadoussac à Baie-Saint-Paul pour en avoir terminé de cette route.

Dunes de Tadoussac, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Le lendemain, c’est donc ce que j’ai fait, en me payant en plus le luxe de passer par la route alternative reliant La Malbaie à Baie-Saint-Paul, soit la #362. Au total, ce tracé représentait un dénivelé de 2 000 m, dont plusieurs côtes à fort pourcentage. Malgré la pluie et une température d’à peine plus de 10 °C, cette dernière journée s’est déroulée sans trop de problèmes. En fait, je n’en ai eu qu’un seul. Juste avant d’arriver à La Malbaie, j’ai subi une crevaison arrière en faisant l’ascension d’une côte à 11 % sur le bord d’une falaise, juste à l’entrée de Saint-Fidèle.

Route #362, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Faute d’un accotement digne de ce nom, et en raison de vents particulièrement forts sur cette portion de la route, j’ai continué à monter pour environ 500 m avec un pneu complètement à plat. C’était ma dernière journée, et l’état de mon pneu m’importait peu. Une fois au sommet, j’ai remplacé ma chambre à air et j’ai repris la route. Ma mère est venue me chercher en voiture à Baie-Saint-Paul ce soir-là. Je devais initialement rouler encore quelques jours, mais le montage de l’édition de septembre de L’Heuristique m’attendait à Montréal et j’ai dû sacrifier le reste de mon aventure. J’ai tout de même profité de ma présence dans la région de La Malbaie pour effectuer l’ascension de l’Acropole des Draveurs, dans le Parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie.

Acropole des Draveurs, Québec – Photo par inconnu

En somme, je me suis retrouvé un peu à court de mon objectif de 12 000 km, avec seulement 11 983 km. J’ai toutefois eu la chance de me reprendre la saison suivante, soit cet été, avec 13 361 km.

[1] Site warmshowers.org
[2] Entrevue à Bonjour la Côte
[3] Site couchsurfing.com

Cet article a d’abord été publié en novembre 2017 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


Un incident de parcours

  • 1 septembre 2017/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
  • 0 commentaires /
  • Under : À la découverte du nord, Collaborations, Récits de vélo

Dans les dernières éditions de L’Heuristique, je publiais les quatre premières parties d’un texte concernant ce voyage le long de la route Translabradorienne, une route reliant Blanc-Sablon à Baie-Comeau, en passant par Labrador City.

La journée a commencé tard. Le temps de faire mes courses, il était passé midi lorsque j’ai quitté Labrador City. Mon vélo était plus chargé que jamais. J’avais réussi à suivre mon itinéraire jusqu’ici et je transportais donc, en plus de mes rations journalières, toutes mes réserves de sécurité, au cas où je prendrais du retard.

Les premières côtes menant jusqu’à la frontière québécoise ont été difficiles, mais j’ai rapidement pris mon rythme. J’ai atteint la mine Mont-Wright en milieu d’après-midi. C’est ici que commençait la section de gravier la plus étroite et sinueuse de la route #389.

Mont-Wright, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

On m’avait beaucoup parlé de ce tronçon de la route, mais elle ressemblait à tout sauf à ce que j’avais imaginé. La surface était  bien compactée et exempte de pierres lâches. Les côtes, bien que très pentues, étaient courtes et succédaient rapidement. La #389 prenait ici des airs de piste cyclable en montagne. J’y roulais confortablement à plus de 20 km/h en moyenne. Je n’avais pas éprouvé autant de plaisir depuis longtemps.

Malheureusement, le pavage recommence après le site de la mine Fire Lake. De plus, le soleil tombait. J’ai donc installé ma tente quelques kilomètres plus loin, au bord de la route.

Le lendemain matin, je roulais en direction du Relais Gabriel. La route était belle, mais je savais que je croiserais plus loin le massif des monts Groulx. Pour l’instant, je profitais cependant d’un peu de repos, jusqu’à l’ancienne ville de Gagnon, fermée en 1985 suite à la fin des activités de la mine Fire Lake.

Après les photos protocolaires de la ville abandonnée, notamment celle de l’ancien boulevard à chaussée divisée, j’ai repris la route vers les montagnes longeant le réservoir Mamicouagan. En cet après-midi du mois d’août, il faisait plus de 35 degrés et un soleil de plomb. Avec la fatigue accumulée, les longues montées me paraissaient interminables.

Ancienne ville de Gagnon, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Pédalant un kilomètre à la fois, j’ai finalement atteint le Relais Gabriel où m’attendait une généreuse portion de cipâte, de betteraves et de tarte aux bleuets. Après avoir discuté avec plusieurs clients du relais, deux écologistes m’ont invité à dormir dans leur chambre.

L’idée semblait bonne, mais après une si chaude journée, l’étage du relais baignait dans une chaleur accablante. Il m’a fallu jusqu’à 3 h du matin avant de trouver le sommeil.

À mon réveil, ma forme était tout sauf enviable. La situation n’était pas idéale sachant que la route vers Manic 5 n’est pas pavée et présente un dénivelé cumulatif de 1 700 m. Après avoir mangé mon déjeuner sans appétit, j’ai tout de même pris la route.

Route #389, près de Relais-Gabriel, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

La journée était à nouveau chaude et ensoleillée. Je roulais par automatisme, mais je n’avais pas d’énergie. Vers 13 h, je me suis forcé à manger une barre tendre. La faim ne se faisait toujours pas sentir. Pour ajouter à mon malaise, des orages se sont mis de la partie en fin d’après-midi.

Sans trop en être conscient, j’ai finalement atteint l’évacuateur de crues du réservoir Manicouagan. J’y étais enfin, au barrage Daniel Johnson. La joie de cette nouvelle m’a redonné un peu d’énergie. J’ai roulé jusqu’au Motel de l’Énergie et je me suis préparé à souper. Je me suis forcé à tout manger, mais je n’avais toujours pas d’appétit. Je me suis couché tôt, à bout de forces.

À deux heures du matin, je me suis réveillé en sueurs. Je ne me sentais pas bien, pas du tout. Je suis sorti de ma tente au pas de course. J’étais malade. Je vous épargne les détails, mais le reste de la nuit a été dépourvu de sommeil.

Au lever du jour, je suis allé au restaurant où j’ai passé la matinée, faisant l’aller-retour jusqu’aux toilettes. Je suis allé faire la visite touristique à la centrale hydroélectrique avec comme seule motivation l’envie de ne pas gaspiller entièrement ma matinée.

Barrage Daniel-Johnson, Québec – Photo par Félix-Antoine Tremblay

À mon retour au restaurant, les ambulanciers de Manic 5 m’ont posé des questions sur mon état, mais n’étaient pas en mesure de m’aider. À 15 h, j’ai décidé de tenter de me rendre au Relais Manic Outardes, situé à plus de cent kilomètres de là.

Trente kilomètres plus loin, je ne pouvais plus avancer. Je me suis mis à faire du « pouce » dans les deux directions, en roulant difficilement. La destination m’importait peu, tant que c’était ailleurs qu’ici. Une famille d’autochtones m’a ramené à Manic 5. Je suis allé voir les ambulanciers, mais leur seule offre était de me transporter jusqu’à Baie-Comeau, moyennant des frais imposants.

J’étais donc coincé, seul, dans le milieu de nulle part. Je me suis installé devant la station-service à la recherche de transport vers Baie-Comeau. Après plusieurs essais infructueux, un jeune homme m’a offert son assistance. Il était désormais 23 h.

Après quelques minutes, j’ai compris que mon chauffeur était drogué. Cela a été confirmé lorsqu’il m’a offert une dose. Quoi qu’il en soit, je n’avais pas d’autre option et, une chose était certaine, nous finirions à l’hôpital d’une manière ou d’une autre.

Je suis finalement arrivé à l’hôpital de Baie-Comeau sans heurts, vers 1 h. C’est ici que mon voyage prenait fin, d’une bien triste manière…

La suite dans l’édition de novembre,

Cet article a d’abord été publié en septembre 2017 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


Une machine bien rodée

  • 1 juillet 2017/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
  • 0 commentaires /
  • Under : À la découverte du nord, Collaborations, Récits de vélo

Dans les dernières éditions de L’Heuristique, je publiais les trois premières parties d’un texte concernant ce voyage le long de la route Translabradorienne, une route reliant Blanc-Sablon à Baie-Comeau, en passant par Labrador City.

Le lendemain de mon arrivée à Happy Valley-Goose Bay, je profitais enfin d’une journée de congé, la première que je m’accordais depuis mon départ de St. John’s, deux semaines auparavant. Mon vélo était en attente de réparation chez Minipi Outfitters en raison d’un bris au niveau du pédalier. J’ai reçu l’appel fatidique vers midi. Le boîtier de pédalier dont j’avais besoin n’était pas en réserve. Cela dit, la pièce se trouvait sur un des vélos en démonstration.

Robin, chez qui je passais la journée, m’a amené au magasin pendant sa pause pour y récupérer ma monture. Le verdict : deux heures de travail plus les pièces, soit plus de 150 $. Cela était toutefois le moindre de mes soucis. Le prochain magasin de vélo se trouvant à plus de 1 000 km de là, j’étais avant tout heureux de pouvoir reprendre la route!

En après-midi, je suis passé à l’épicerie du coin pour y refaire mes stocks de nourriture fraîche. Je m’étais fait livrer des repas déshydratés par la poste chez Robin, comme je l’avais fait à l’hôtel Alexis de Port Hope Simpson. La prochaine livraison était cependant la plus insolite, puisqu’elle arrivait directement au bureau de poste. C’était la première fois que j’utilisais le service de « poste restante » pour un envoi. Je devais passer prendre le colis le matin du 1er août, ce qui me laissait quatre jours pour parcourir les 530 km me séparant de Labrador City.

À mon retour chez Robin, sa mère nous préparait à souper : du phoque et de l’ours, chassés par son père. Après ce succulent repas, nous avons écouté un film avant de nous faire nos adieux. Toute la famille devait partir travailler avant que je me lève le matin suivant. Après avoir bu une carafe entière de café, j’ai quitté Happy Valley-Goose Bay sous la pluie.

Carte du trajet parcouru – Image par Félix-Antoine Tremblay
Churchill Falls

Je me suis levé tard et j’ai pris la route vers midi. J’ai franchi les premiers kilomètres sans difficulté. Je roulais à plus de 20 km/h et je comptais donc atteindre mon objectif journalier vers 19 h. La température n’aidait toutefois en rien ma progression. La pluie était par moment si intense qu’elle causait des accumulations d’eau sur la chaussée. Au sommet de Pope’s Hill, une montée de 200 m d’altitude avec des pointes à 16 % de pente, j’ai pu profiter d’une accalmie. Malgré un brouillard dense, la pluie avait finalement cessé.

Quelques dizaines de kilomètres plus loin, le soleil faisait quelques percées. J’étais en pleine forme et je roulais maintenant à plus de 30 km/h. Malgré un départ tardif, j’ai atteint ma destination en début de soirée. J’ai pu installer ma tente nouvellement réparée au sec, sous les lignes électriques du projet Muskrat Falls. Les moustiques faisaient sentir leur présence, mais j’étais somme toute très satisfait de cette première journée, laquelle devait être la plus difficile jusqu’à Labrador City.

Le lendemain matin, je mettais le cap sur Chuchill Falls, à 150 km. La route fraîchement pavée me permettait de conserver une excellente vitesse moyenne, mais je devais combattre un vent de face plutôt désagréable. Au milieu d’une averse, j’ai vu apparaître une silhouette que je n’avais pas vue depuis des semaines : un cycliste! En plein cœur du Labrador, j’ai croisé Giorgio Lucarelli, un aventurier italien qui avait parcouru les routes Dempster et Dalton quelques années auparavant, deux des routes que j’ai décrites dans mon article Les grandes routes du Nord américain, à vélo[1].

Après avoir échangé plusieurs minutes sur la route à venir pour chacun de nous, puisque nous faisions le trajet en sens inverse, nous nous sommes souhaité bon succès et avons repris la route. Giorgio Lucarelli est le seul cycliste que j’ai croisé sur la route Translabradorienne. Tout au plus, quelques dizaines de cyclistes l’ont parcourue d’un bout à l’autre depuis son inauguration en 2009.

Quelques heures plus tard, alors que je profitais à nouveau du soleil passager, j’ai atteint Churchill Falls. Des habitant(e)s du coin m’ont suggéré de camper près du Donald Gordon Centre, lequel abrite tous les services de la ville, dont un centre sportif. Après avoir monté ma tente, j’ai pu profiter des installations pour prendre une douche et relaxer dans le sauna municipal, le tout gratuitement. Une autre belle journée! Pour ajouter à ma bonne humeur, après des semaines de recherche, j’avais finalement réussi à trouver de l’hébergement à Labrador City : chez un diplômé de l’ÉTS, Jean-Michel, et sa conjointe, Jessica.

Labrador City

Tôt le lendemain matin, après un bon repas au restaurant du centre municipal, j’ai pris la route pour Labrador City. Le ciel était toujours grisâtre, mais il ne pleuvait pas pour le moment. Mon premier arrêt de la journée se faisait aux célèbres chutes Churchill, transformées dramatiquement par la construction de la centrale hydroélectrique Churchill Falls.

Chutes Churchill, Labrador – Photo par Félix-Antoine Tremblay

La chute se trouve au bout d’un sentier d’un kilomètre situé près du pont traversant le fleuve Churchill. Le point de vue « officiel » est très mal positionné, mais les vestiges du sentier original menant au bord des falaises du canyon Bowdoin sont encore visibles, et le détour en vaut la chandelle (à vos risques et périls)[2]. Après quelques minutes à apprécier une vue à couper le souffle, j’ai rebroussé chemin et repris ma route.

Canyon Bowdoin – Photo par Kerron L, Flickr

Vers 17 h, alors que je comptais les derniers kilomètres, j’ai remarqué un bruit inquiétant au niveau d’une de mes pédales. Après vérifications, elle semblait pourtant en bon état, mais je voulais à tout prix éviter un bris tel celui que j’avais subi quelques semaines auparavant. Pour cela, je devrais toutefois attendre la prochaine ville. Une heure plus tard, j’ai trouvé un endroit dégagé où dormir et me changer les idées.

Route #500 près de Churchill Falls, Labrador – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Après une trop courte nuit de sommeil, à quelques mètres de la route, je suis remonté en selle. Il faisait finalement soleil, mais le vent s’était levé. De plus, le relief était plutôt accidenté. M’étant levé tôt, je comptais tout de même arriver à Labrador City avant l’heure du souper. Après quelques heures d’effort soutenu, j’y étais finalement, et ma pédale avait tenu le coup. Je suis allé faire l’épicerie, puis je me suis dirigé vers la résidence de mes hôt(ess)es.

Ceux-ci étaient absents au moment de mon arrivée et j’en ai profité pour prendre un bain, un rituel que je conserve généralement pour la fin de mes voyages. Lorsque Jean-Michel et Jessica sont arrivés, j’ai eu droit à un barbecue, puis nous sommes allés marcher en ville. Il était particulièrement agréable de pouvoir enfin passer du temps à l’extérieur sans risquer d’être mordu ou piqué par des hordes d’insectes.

J’ai profité de cette balade pour discuter du bris imminent d’une de mes pédales. Comme je le pensais, il n’y avait pas de magasin de vélo en ville. J’ai donc choisi de passer le lendemain chez Walmart « louer » des pédales bon marché au cas où les miennes rendraient l’âme. J’ai aussi commandé de bonnes pédales que j’ai fait livrer à Sept-Îles, afin d’en effectuer le remplacement définitif quelques jours plus tard.

J’y suis allé à mon réveil. J’ai profité de ma visite au centre commercial pour remplacer ma caméra brisée et pour récupérer mon ravitaillement postal, lequel m’attendait comme prévu, à mon grand soulagement. Trois jours me séparaient maintenant de Manic-Cinq, et seul le Relais Gabriel, à 270 km, se trouvait entre les deux. La route #389 est étroite, très sinueuse, et parcourue par de nombreux camions. De plus, elle n’est pas pavée sur une distance de 155 km et ses pentes sont très abruptes : jusqu’à 18 %. Le témoignage de Giorgio Lucarelli, trois jours auparavant, n’avait pas aidé à me rassurer. Je m’attendais au pire.

[1] Les grandes routes du Nord américain, à vélo, L’Heuristique
[2] Vestiges du sentier menant à la falaise : imgur.com/a/MrFCW

Cet article a d’abord été publié en juillet 2017 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


Un peu de lumière au bout du tunnel

  • 1 mars 2017/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
  • 0 commentaires /
  • Under : À la découverte du nord, Collaborations, Récits de vélo

Dans les dernières éditions de L’Heuristique, je publiais les deux premières parties d’un texte concernant mon voyage le long de la route Translabradorienne[1], une route reliant Blanc-Sablon à Baie-Comeau, en passant par Labrador City.

Après une bonne nuit de sommeil, j’ai été réveillé par deux hommes venus pêcher dans la rivière se trouvant près de l’aire de repos où j’étais installé. J’ai profité de leur présence pour refaire mes réserves d’eau potable. En effet, la générosité des passant(e)s semble augmenter proportionnellement à la distance séparant un(e) cycliste de la ville la plus proche.

Je ne compte plus les inconnu(e)s s’arrêtant sur la route afin de m’offrir de l’eau, de la nourriture, des encouragements, un endroit où dormir, ou de me transporter vers ma destination (la seule offre que je refuse systématiquement). Bien que je sois préparé à être entièrement autonome, une partie de moi compte toujours sur ces dons imprévus dans les moments difficiles.

Carte du trajet parcouru – Image par Félix-Antoine Tremblay

En cette deuxième journée, ma patience avait déjà atteint ses limites, à un tel point que je me suis surpris à être intérieurement en colère de me faire systématiquement demander si tout allait bien. Ce n’était pas le cas entre mes deux oreilles. J’étais à un des points les plus isolés du pays, et il y avait tout de même trop de gens. Quelques heures plus tard, un groupe de chasseurs s’est arrêté pour m’offrir un repas et une bière. J’ai discuté une vingtaine de minutes avec eux. Cet intermède, permis par de forts vents chassant les insectes ainsi que par l’absence de pluie, m’a changé les idées.

Mon état d’esprit après deux jours – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’approchais désormais le point de non-retour : le milieu de la route séparant Happy Valley-Goose Bay et Port Hope Simpson. La pluie avait cessé et l’état de la route s’améliorait. La journée avait passé plutôt rapidement et j’ai pu poser ma tente au sec. Mon campement était à moins d’une dizaine de mètres de la route, mais le trafic était si faible que cela ne représentait pas un problème. J’étais au sommet d’une crête et protégé du vent par la forêt.

Cette fin de journée aurait été parfaite, si ce n’avait été d’un des curseurs de la fermeture éclair de ma tente qui s’est brisé à ce moment. Je devais désormais ouvrir la fermeture éclair entièrement pour y entrer ou en sortir, ce qui signifiait que plus d’insectes réussissaient à se faufiler à l’intérieur chaque fois. Pour l’instant, elle était cependant fermée et cela me suffisait. Je pouvais retrouver mon livre et le confort de mon sac de couchage.

Paysage typique sur la route Translabradorienne – Photo par Félix-Antoine Tremblay
Point de non-retour

Le matin du troisième jour, j’avais retrouvé mon aplomb. Le ciel était toujours aussi mauvais, mais plutôt que de m’éloigner de la civilisation, aujourd’hui, je m’en approchais. En fin de matinée, un couple du Texas s’est arrêté une centaine de mètres devant moi. En m’approchant d’eux, j’ai été surpris de voir le conducteur hors de son véhicule avec un appareil-photo en main. Celui-ci m’a fait signe de m’arrêter, avant de m’expliquer qu’il était aussi un cycliste et qu’il me saluait pour ma persévérance. Il m’a ensuite offert de la nourriture, que j’ai volontiers acceptée.

Je lui ai demandé de m’envoyer ses photos de moi par courriel, de même que ses photos de la route Translabradorienne, puisque mon appareil-photo était brisé. Il a accepté avec plaisir, mais m’a annoncé quelques jours plus tard qu’il avait perdu tous ses clichés en raison d’un problème de carte mémoire. Décidément, cette route ne voulait pas être photographiée…

Le temps passait de plus en plus vite, et j’ai rapidement atteint ma destination pour cette troisième journée. Après quelques minutes à chercher un endroit où m’installer pour la nuit, j’ai eu le plaisir de découvrir une carrière désaffectée. J’y ai posé ma tente en plein centre et j’ai profité de l’absence d’eau et de végétation pour passer du temps dehors sans être ennuyé par les mouches noires. Je pouvais enfin retirer mon habit moustiquaire et manger à l’extérieur. Je me suis même permis de lire dehors, jusqu’à ce que la fatigue et l’obscurité me forcent à me coucher.

Campement de la troisième nuit – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Plusieurs Labradorien(ne)s m’avaient mentionné que les équipes de pavage étaient à environ 80 kilomètres de la jonction avec la route #500. Quelques heures après avoir quitté ma tente, j’ai enfin atteint la zone de construction. Malgré quatre jours sans voir le soleil, mon moral était à son meilleur. J’ai cependant rapidement découvert que les centaines de kilomètres de route de gravier avaient gravement endommagé mon boîtier de pédalier, lequel présentait maintenant un jeu de plus d’un millimètre.

Début du pavage – Photo par Félix-Antoine Tremblay
Retour à la civilisation

J’ai accéléré le pas afin d’atteindre Happy Valley-Goose Bay avant 17 h, l’heure de fermeture de la plupart des commerces. Malgré le plaisir d’avoir atteint ma destination, je devais absolument faire réparer ma tente et mon vélo avant de quitter la ville. Au bureau d’information de la ville, j’ai été surpris d’apprendre qu’on y trouvait un magasin spécialisé en réparation de tentes. On m’a toutefois informé qu’il n’y avait pas de boutique de vélos, mais on m’a dirigé vers deux magasins qui pourraient peut-être m’aider.

Retour à la civilisation – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Le premier était à proximité, mais ne réparait que des motos. Il était maintenant 16 h, et je me trouvais à une dizaine de kilomètres du second. En chemin, je me suis arrêté chez Terry’s Tents pour faire remplacer les curseurs de ma tente. Leur couturier spécialisé en tentes était absent, mais après avoir insisté, on a tout de même accepté de m’aider. Pendant que j’attendais, Robin, mon contact sur CouchSurfing, est venue me retrouver. Je lui ai expliqué ma situation puis elle m’a offert son aide.

Mon vélo n’entrait pas dans sa voiture, mais je lui ai laissé mes bagages. Dès que ma tente fut réparée, j’ai enfourché mon vélo en direction de l’autre bout de la ville. Je filais à plus de 30 km/h, soit presque trois fois plus rapidement que ma moyenne depuis Blanc-Sablon. Lorsque je suis arrivé, à 16 h 55, un employé de Minipi Outfitters en était à ranger des vélos à l’intérieur pour la nuit. C’était donc bel et bien un magasin de vélos! Le mécanicien m’a expliqué qu’il ne pouvait pas s’occuper de moi tout de suite, mais que ma monture serait sa priorité le lendemain matin. Il n’avait pas de boîtier de pédalier compatible en inventaire, mais il vérifierait s’il pouvait en trouver un sur ses vélos en démonstration.

J’avais au moins pu réparer ma tente, mais j’étais plutôt inquiet pour mon vélo. Le prochain magasin se trouvait à plus de 1 000 kilomètres de distance, à Baie-Comeau. Robin m’a offert de passer une journée de plus chez sa famille, le temps d’avoir une réponse du mécanicien, ce que j’ai accepté avec plaisir. Elle m’a ensuite transporté jusque chez elle, où sa mère m’avait préparé un succulent repas, accompagné d’une bonne bière.

Ce bris mécanique remettait en question l’achèvement de mon aventure, mais le plus difficile était derrière moi. On m’avait beaucoup parlé de la fameuse route #389, au Québec, mais j’étais très confiant. Peut-être un peu trop.

La suite dans l’édition de mai,

[1] Le début d’une grande aventure et À la découverte du Labrador, L’Heuristique

Cet article a d’abord été publié en mars 2017 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


À la découverte du Labrador

  • 1 janvier 2017/
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Dans la dernière édition de L’Heuristique, je publiais la première partie d’un texte concernant mon voyage le long de la route Translabradorienne[1], une route reliant Blanc-Sablon à Baie-Comeau, en passant par Labrador City.

Après seulement deux jours sur la route Translabradorienne, je commençais à comprendre que la difficulté de cette route ne reposait pas sur sa longueur, ni sur le fait qu’elle n’est que partiellement pavée, mais bien sur son isolement. En effet, en quittant Port Hope Simpson, un village de quelques dizaines d’habitant(e)s, je savais que je ne verrais presque personne pendant quatre jours. En période estivale, il passe seulement une cinquantainede véhicules par jour sur cette route.

Heureusement, il ne s’agissait pas de la première fois où je faisais un voyage du genre. En 2014, avant d’entreprendre ma traversée du Québec, j’ai pu profiter d’un congé de quatre jours pendant mon stage pour redécouvrir la ZEC Batiscan Neilson. C’est à cet endroit que j’ai vécu mes premières expériences de vélo-camping, il y a plus d’une décennie. Armé d’une carte achetée à cette époque ainsi que d’une boussole, j’ai effectué l’aller-retour entre le poste d’accueil Perthuis et le lac Batiscan : un lac long et étroit bordé de falaises atteignant plus de 100 mètres par endroit.

Lac Batiscan – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Lors de cette première aventure, mon principal défi avait été de m’orienter correctement, en pleine forêt, alors que plusieurs des routes que je souhaitais emprunter n’existaient que dans ma mémoire, ma carte étant imprécise et désormais désuète. Au Labrador, cela ne serait pas un problème. Le trajet était assez simple : tourner à droite au kilomètre 606 vers Happy Valley-Goose Bay, puis revenir sur mes pas et suivre la route principale jusqu’à Baie-Comeau. Quoi qu’il en soit, je transportais cette fois un GPS et un panneau solaire pour le recharger.

Carte du trajet parcouru – Image par Félix-Antoine Tremblay

Cette fois-ci, je ne pouvais cependant pas profiter d’une température clémente et la saison des mouches noires battait son plein. En effet, le soir de mon arrivée à Port Hope Simpson, j’ai à peine eu le temps de consulter les prévisions météorologiques des prochains jours avant que des orages causent la perte de la réception satellite de l’hôtel. On annonçait de la pluie pour au moins une semaine.

Faute de télévision et d’Internet., je comptais pour le moins profiter d’un bon bain chaud, un plaisir que je m’accorde rarement. Malheureusement pour moi, la baignoire n’avait pas de bouchon. Pire, la température de l’eau de la douche variait de façon si forte et subite que cette douche était plus douloureuse que salvatrice. J’ai dû me contenter de lire un des livres que je transportais, allongé dans mon lit simple, en écoutant le tumulte de mes voisines et voisins. Plus tard en soirée, j’ai tout de même pu profiter du restaurant de l’hôtel pour manger un dernier repas sans avoir à me rationner : un hamburger, un club sandwich et deux pizzas, le tout avec une généreuse portion de frites. Ce repas riche en calories me propulserait certainement pour plusieurs jours.

Le grand départ

Après avoir dormi quelques heures, tiré profit du petit déjeuner continental fourni avec la chambre, et fait des réserves de fruits frais ainsi que d’eau potable, j’ai enfilé pour la première fois mon habit de moustiquaire. Pour mes deux premières journées au Labrador, je m’étais contenté de mon moustiquaire facial, mais les dizaines de morsures et de piqûres que portaient mes bras et mon cou m’ont confirmé que cela n’était pas suffisant.

Après avoir traversé le pont de la rivière Alexis, j’ai été agréablement surpris par la bonne qualité de la route. Cela aurait pu compenser le paysage devenant de plus en plus monotone, alors qu’on s’éloigne de la côte du Labrador. La route ayant été construite pour des raisons exclusivement utilitaires, elle évite autant que possible les lacs, les rivières, les montagnes, etc. En somme, tous les points d’intérêt. Ces bonnes conditions furent toutefois de courte durée, puisqu’après la jonction vers Charlottetown, la route devient plus étroite et est couverte de petites pierres lâches.

Vers midi, la pluie s’est mise de la partie, ce qui représentait un défi de taille dans les circonstances. En effet, je ne pouvais pas mettre mes vêtements de pluie sans retirer mon habit de moustiquaire, un exercice que j’allais devoir répéter à plusieurs reprises en raison de la température changeante. Dès lors, j’étais obsédé par une idée : abandonner. J’étais à ce point découragé que j’ai pris quelques instants de repos pour me filmer alors que j’étais couvert de bestioles (coeurs sensibles, s’abstenir : youtu.be/E9ZBkC1eJsE).

Paysage typique sur la route Translabradorienne – Photo par Félix-Antoine Tremblay

À bout de nerfs, après une dizaine d’heures en selle à compter chaque kilomètre, je voyais enfin un peu de lumière au bout du tunnel : un panneau de signalisation en direction de Cartwright. Dans quelques dizaines de minutes, je pourrais enfin me réfugier dans ma tente et lire un livre. Bien que je ne sois pas un grand lecteur, ce petit plaisir était à ce moment le plus grand des cadeaux : un instant de répit, où mon esprit pourrait se retrouver à des milliers de kilomètres de cet enfer.

Route #510, à la jonction avec la route #516 – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’aurais pu poser ma tente n’importe où, à n’importe quel moment de la journée, mais je m’étais fixé un objectif strict de rouler au moins 100 kilomètres par jour, afin d’atteindre mon point de ravitaillement en au plus quatre jours. Pour cette première journée, je devais au moins atteindre le kilomètre 319, à la jonction de la route #516. Une fois arrivé, j’ai été surpris de voir un panneau annonçant ma nouvelle destination : une halte routière, à deux kilomètres de là. Cette halte promettait un espace sec et dégagé, me permettant d’installer confortablement ma tente.

Je m’étais préparé afin de ne dépendre de rien tout au long de la route, mais une bonne nouvelle est toujours bienvenue. Avant mon départ, il m’avait été impossible de trouver quelque information que ce soit sur les « services » se trouvant le long de cette route. Je m’étais donc donné pour mandat de tous les prendre en note, afin de faciliter la planification des prochains cyclistes souhaitant conquérir la route Translabradorienne. J’ai intégré mes notes aux pages Wikipédia des routes #389, #500 et #510[2].

Tout n’était cependant pas gagné, cette fameuse halte routière n’était en fait qu’un stationnement en gravier équipé d’une poubelle et d’une table à pique-nique. Les abords de l’aire de repos avaient des airs de toilettes à ciel ouvert, et la poubelle n’avait vraisemblablement pas été vidée depuis des lustres, mais je n’avais d’autre choix que de m’en contenter. Après avoir trouvé un endroit où le sol était suffisamment lâche et propre pour y planter ma tente, j’ai entrepris de préparer mon repas. La forte pluie avait pour avantage de réduire la quantité d’insectes m’entourant.

À mon grand désarroi, une fois le repas terminé, j’ai découvert que ceux-ci s’étaient réfugiés sous le double toit de ma tente. Lorsque j’y suis entré, bien que j’aie porté une attention particulière à le faire rapidement, plus d’une centaine d’entre eux avaient réussi à se faufiler à l’intérieur. Il m’a fallu plus de 10 minutes pour les tuer (presque) tous. Quoi qu’il en soit, cette première de quatre journées était terminée. Avec le sentiment du devoir accompli, je pouvais enfin retrouver le confort relatif de ma tente, protégé du froid, de la pluie et des bestioles.

Cimetière d’insectes nuisibles – Photo par Félix-Antoine Tremblay

J’étais désormais à la porte du plateau Eagle, le plus difficile était derrière moi, mais je l’ignorais pour le moment. La suite dans l’édition de mars, si les décisions de censurer et de dissoudre L’Heuristique sont renversées par l’AÉÉTS[3].

[1] Le début d’une grande aventure, L’Heuristique
[2] Répertoire des services en fonction des repères kilométriques : pastebin.com/YVRrU8p4 
[3] L’Association étudiante de l’ÉTS a récemment entrepris des démarches visant à fermer L’Heuristique : bit.ly/2kxtp3R

Cet article a d’abord été publié en janvier 2017 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


Le Début d’une grande aventure

  • 1 novembre 2016/
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Le 1er mai dernier, j’ai publié dans L’Heuristique un article annonçant mon départ pour quatre mois au cours desquels j’allais traverser le Canada, À vélo d’un océan à l’autre[1]. Comme à mon habitude, j’ai visé au-delà de mes capacités. Si le succès de cette stratégie avait été mitigé lors de mes voyages d’avril et de juillet 2015, respectivement au Saguenay et au Colorado, celle-ci a mieux fonctionné cette année.

Malgré une réussite décisive, cette nouvelle aventure n’a pas été sans embûches. Après un départ fulgurant, la situation s’est gâtée à mon arrivée en Saskatchewan. J’y ai été accueilli par plusieurs jours de vents puissants en provenance de l’est, une situation exceptionnelle. Après avoir traversé la frontière du Manitoba, je n’ai pas eu de repos, puisque c’est cette fois la pluie qui s’est mise de la partie.

Orages violents sur la route #227, Oakland – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Après un mois de temps anormalement chaud et sec, une journée d’orages violents m’avait énergisé. Cependant, il s’agissait de la première de 14 journées pluvieuses, lors des 16 jours suivants; un dur coup pour le moral. Cette pluie acharnée était accompagnée d’une température oscillant entre 10 et 15 °C. La situation a même empiré une fois que je fus rendu au Québec. Mon premier réveil dans la belle province s’est fait sous la neige fondante alors qu’il ne faisait que 2 °C. Heureusement, je n’étais plus qu’à quelques jours de la maison.

Avec maintenant plus de 45 % de la distance parcourue, mon départ de Montréal vers Saint-Jean de Terre-Neuve s’est fait sous le signe de la facilité. Il faisait beau, il faisait chaud, et j’étais en pleine forme. J’ai payé le prix de cette trop grande aisance à mon arrivée près de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick, lorsque la pédale droite de mon vélo s’est scindée en deux. Après 70 km à pédaler d’une seule jambe, j’ai été secouru par un bon samaritain, lequel m’a gracieusement transporté de Shediac à Moncton pour remplacer cette pédale avant de me ramener à Shediac.

Bernard, le bon samaritain, Shediac – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Cet incident ne m’a pas ralenti. Au contraire, j’ai rejoint le traversier de North Sydney une journée avant son départ. Deux jours plus tard, j’arrivais enfin à la dernière province de cette traversée du pays : Terre-Neuve-et-Labrador. Les trois jours suivants furent très difficiles en raison du relief accidenté, du froid, de la pluie abondante et des vents violents, mais si près du but, il m’en aurait fallu beaucoup plus pour m’empêcher de compléter ma traversée du Canada.

Célébration traditionnelle après la traversée du Canada, Saint-Jean-de-Terre-Neuve – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Cinq ans, presque jour pour jour, après un accident de vélo qui aurait dû me coûter la vie, j’avais enfin atteint cet objectif qui me semblait pourtant inatteignable il y a quelques mois. Les 950 kilomètres qu’il me restait à parcourir sur l’île de Terre-Neuve ne m’ont, quant à eux, pas donné trop de difficultés. Malgré mes intentions, le piètre état de la Newfoundland T’Railway m’a cependant forcé à emprunter plutôt la route Transcanadienne.

Une aventure qui ne faisait que commencer

Comme je l’expliquais dans mon article Les grandes routes du Nord américain, à vélo[2], la route Translabradorienne qui relie Blanc-Sablon à Baie-Comeau comporte de longues sections non pavées et très isolées. La difficulté de cette route donne à la traversée du Canada un air de tour d’échauffement.

Carte du trajet à parcourir – Image par Félix-Antoine Tremblay

Avant même de commencer, je souhaitais atteindre l’extrémité ouest de ce petit tronçon de la route 138, à Vieux-Fort. Cet aller-retour de 132 kilomètres depuis Lourdes-de-Blanc-Sablon représentait un défi de taille. En plus d’être balayée par les vents impitoyables de la Basse-Côte-Nord, cette route a de nombreuses pentes à fort pourcentage d’inclinaison. J’ai d’ailleurs pu y atteindre la vitesse impressionnante de 80 km/h, soit la plus élevée que j’ai atteinte lors de ce voyage qui m’avait pourtant amené à traverser les Rocheuses, beaucoup plus hautes que les montagnes de l’est du pays.

Pente à 17 % d’inclinaison, Brador – Photo par Félix-Antoine Tremblay

De retour à Lourdes-de-Blanc-Sablon, il me fallait maintenant quitter la civilisation pour de bon. La route jusqu’à Red Bay, au Labrador, s’est avérée être aussi mauvaise que sa contrepartie québécoise. Ces 80 kilomètres signifiaient aussi la fin du pavage, jusqu’à Happy Valley-Goose Bay. À ce moment, cela m’importait toutefois peu, car par cette journée sans vents, j’ai découvert ce qui serait le réel défi de la Translabradorienne : les mouches noires. Ni la crème contre les insectes ni un habit moustiquaire n’allaient m’en épargner.

Début de la section non pavée de la route Translabradorienne, Red Bay – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Le soir venu, j’ai regretté les belles soirées dans les montagnes à lire au bord d’un feu. Enfermé dans ma tente en compagnie de quelques dizaines d’insectes s’y étant faufilés, je me suis demandé ce que je faisais là. Vers 3 h 30, aux premières lueurs du jour, j’ai été réveillé par ce qui me semblait être des centaines de caribous. Je suis sorti, mais un dense brouillard m’empêchait de voir plus loin que quelques mètres. J’ai profité de la fraîcheur nocturne pour passer quelques instants de solitude hors de ma petite tente, à écouter leur chant. Ce sont ces instants magiques, si courts soient-ils, qui font oublier tous ceux que l’on regrette pourtant au moment de les vivre.

Kilomètre 130 de la route Translabradorienne, vers 3 h 30 du matin – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Quelques heures plus tard, à mon réveil, j’ai couru dehors chercher ma réserve de nourriture, à plusieurs dizaines de mètres de mon campement. Cette tentative de ne pas me faire mordre ou piquer par des hordes d’insectes n’a pas été un franc succès, mais je l’ai tout de même répétée chaque matin pendant les deux semaines suivantes. Il était hors de question que je prenne le temps de mettre mes habits longs simplement pour cela. Pas de thé ni de gruau ce matin-là, je devais cuisiner à l’intérieur. Mon déjeuner fade et froid était tout de même réconfortant.

Bien que ne pas manger ou cuisiner dans sa tente soit la première règle à suivre pour ne pas se faire attaquer par la faune sauvage, cela m’était égal, pourvu que je pusse me protéger des bestioles. Une fois sur la route, j’avais enfin droit au répit. Il était cependant hors de question de m’arrêter. Manger ou aller aux toilettes était des tâches à exécuter aussi rapidement que possible. Pratiquement impossible, donc, de prendre des photos; ma caméra rendit de toute façon l’âme deux jours plus tard.

Quatre jours de nourriture, Port Hope Simpson – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Une belle journée ensoleillée m’a permis d’arriver tôt au Alexis Hotel, où m’attendait ma nourriture pour les quatre prochains jours, les plus difficiles de la Translabradorienne. Enfin à Port Hope Simpson, je n’en étais qu’au kilomètre 216 de la route. 1 500 kilomètres me séparaient encore de Baie-Comeau, et 2 150 de Kegaska, à l’extrémité est du tronçon principal de la route 138. Je ne saisissais pas encore l’ampleur du défi à venir.

La suite dans l’édition de janvier,

Kilomètre 216 de la route Translabradorienne, Port Hope Simpson – Photo par Félix-Antoine Tremblay

[1] À vélo d’un océan à l’autre, L’Heuristique
[2] Les grandes routes du Nord américain, à vélo, L’Heuristique

Cet article a d’abord été publié en novembre 2016 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


Les Grandes Routes du Nord américain, à vélo

  • 1 septembre 2016/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
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Le Nord pique facilement la curiosité en raison des légendes à son sujet et de son immensité, son isolement et son inhospitalité. S’y rendre est une tâche complexe : les routes y sont rares et difficilement praticables, les étendues d’eau y sont glacées plusieurs mois par année et le service par avion y est dispendieux.

Cette inaccessibilité semble cependant augmenter d’autant l’attrait de ces endroits, fréquentés par quelques milliers d’aventurier(e)s chaque année. Si certains d’entre eux préfèrent l’utilisation de véhicules à moteur comme les automobiles et les motocyclettes, quelques dizaines d’entre eux préfèrent utiliser la plus noble invention de l’être humain : la bicyclette.

On compte actuellement quatre grandes routes nordiques en Amérique : la Dalton Highway, la Dempster Highway, la route de la Baie James et la route Translabradorienne. Le défi ultime consiste à parcourir toutes ces routes isolées, chacune d’entre elles garantissant son lot de défis et d’aventures.

Dalton Highway, 1974 (8 jours)

La Dalton Highway[1],[2], en combinaison avec une section de la Elliott Highway[3] et de la Steese Highway[4], relie la ville de Fairbanks (pop. 32 070) et le village de Deadhorse (pop. 25 (3 000 temporaires)), en Alaska. Avec la Dempster Highway, il s’agit d’une des deux seules routes traversant le cercle polaire en Amérique du Nord. Elle atteint même le 70e parallèle, ce qui en fait la route la plus nordique du continent. Il s’agit aussi de la seule route nord-américaine rejoignant actuellement l’océan Arctique. La côte appartient cependant à British Petroleum et il est interdit de s’y rendre, à moins de le faire dans le cadre d’une visite organisée (et supervisée).

Cette route de 790 kilomètres croise uniquement le village de Wiseman (pop. 16) et le relais routier de Coldfoot. Les seuls autres services se trouvant le long de la route sont des toilettes sèches, situées au plus à tous les 95 kilomètres. Un bureau de poste se trouve à Coldfoot, mais celui-ci n’est ouvert que trois fois par semaine, de 13 h 30 à 18 h 00, ce qui complique grandement le ravitaillement en nourriture.

Dalton Highway – Photo de etherlore, Flickr

La Dalton Highway est pavée sur approximativement 25 % de sa longueur (les sections pavées sont toutes situées au sud de Coldfoot). La Elliott Highway et la Steese Highway sont quant à elles asphaltées sur les sections menant à Fairbanks. L’état de ces routes est imprévisible, notamment en raison de la présence de pergélisol et de camionnage soutenu. On peut toutefois en avoir un aperçu avec Google Street View[5], et ce, en tout point de ce trajet.

Il faut prévoir au moins huit jours à vélo pour parcourir la route d’un bout à l’autre, en deux étapes de 405 et 385 kilomètres. La première étape est très montagneuse avec un dénivelé de plus de 6 000 mètres. La deuxième a un dénivelé presque trois fois moins élevé, mais franchit le col Atigun à 1 463 mètres d’altitude. Les pentes y atteignent fréquemment des inclinaisons de 10 à 12 %.

La route suit l’oléoduc trans-Alaska sur toute sa longueur. Ce dernier est construit en surface et fait donc partie du paysage de la Dalton Highway. Les arbres sont rares ou inexistants le long de la route. La région est balayée par des vents violents et reçoit habituellement de la neige tous les mois de l’année, sauf en juillet. Le terrain est très accidenté au sud de la chaîne Brooks, mais devient plat une fois passé le col Atigun.

Dalton Highway – Photo de etherlore, Flickr
Dempster Highway, 1979 (15 ou 19 jours)

Le paysage de la Dempster Highway ressemble beaucoup à celui de la Dalton Highway, de même que son climat. Cela n’est pas étonnant sachant que les deux routes ne sont éloignées que de quelques centaines de kilomètres.

La Dempster Highway[6] relie le Yukon aux Territoires du Nord-Ouest. Deux points de départ sont généralement utilisés pour cette route. Le premier est la ville de Whitehorse[7] (pop. 23 276), au Yukon, pour une distance de 1 310 kilomètres via la Klondike Highway[8]. Le deuxième est la ville de Watson Lake[9] (pop. 802), également au Yukon, pour une distance de 1 725 kilomètres via la Campbell Highway puis la Klondike Highway.

Présentement, la route se termine à Inuvik (pop. 3 463), mais des travaux sont en cours pour la prolonger jusqu’à Tuktoyaktuk7 (pop. 854). Les deux équipes de travail se sont rejointes l’hiver dernier et les travaux devraient être achevés à l’automne 2017. Cet hiver devrait donc marquer la fin de la route de glace qui les reliait dans le passé. Cette prolongation ajoutera environ 140 kilomètres à la Dempster Highway. Il s’agit de la seule route traversant le cercle polaire arctique au Canada et, avec ce prolongement, elle sera la première route accessible au public en Amérique du Nord à rejoindre l’océan Arctique.

Dempster Highway – Photo de Gord McKenna, Flickr

La Klondike Highway est pavée de Whitehorse à Dawson City (pop. 1 319), mais la Campbell Highway ne l’est que sur 40 % de la longueur. En partance de Watson Lake, il faut franchir 590 kilomètres, avec un dénivelé de plus de 5 000 mètres, pour rejoindre Carmacks (pop. 503). Depuis Whitehorse, cette distance n’est que de 180 kilomètres et la route y est plate. Il n’y a aucun service sur cette courte section de la Klondike Highway et uniquement deux villages sur la Campbell Highway : Ross River (pop. 313) et Faro (pop. 344). L’intervalle le plus grand entre ces agglomérations est de 360 kilomètres. Rejoindre Carmacks par ces deux trajets devrait respectivement nécessiter six et deux jours en selle.

Une fois arrivé, il faut encore parcourir 355 kilomètres pour atteindre Dawson City (pop. 1 319). Seul le village amérindien de Pelly Crossing (pop. 290) se trouve sur cette route, en plus du relais routier de Stewart Crossing. Au départ de Dawson City, on doit rebrousser chemin sur 40 kilomètres pour se rendre au début de la Dempster Highway. Celle-ci est en gravier et est extrêmement isolée. Quatre cent dix kilomètres séparent Dawson City du premier relais routier de cette route : Eagle Plains. Pour ce faire, il faut d’abord gravir le col North Fork, dont le sommet se trouve à 1 321 mètres d’altitude.

Il n’y a pas de bureau de poste à Eagle Plains, et celui de Fort McPherson (pop. 702) se trouve 180 kilomètres plus au nord. Cela signifie qu’il est nécessaire de transporter des vivres pour six jours en partance de Dawson City. Heureusement, les 365 kilomètres séparant Eagle Plains et Inuvik sont relativement plats. La route étant en gravier, on doit prévoir quatre jours à vélo pour cette section. Ce rythme moins soutenu est une bonne opportunité de visiter la communauté des Premières Nations de Tsiigehtchic (pop. 143), se trouvant à mi-chemin et offrant tous les services.

Lorsque la route sera complétée, il faudra deux journées supplémentaires pour rejoindre Tuktoyaktuk. Puisque la route est construite dans le Delta de la rivière Mackenzie, celle-ci devrait être exempte de côtes d’importance.

Route de la Baie James, 1974 (8 ou 10 jours)

La route de la Baie James relie Matagami (pop. 1 511) à l’aménagement Robert-Bourassa, près de Radisson (pop. 270). Matagami ne se trouvant pas à la jonction d’une route passante, comme pour la Dempster Highway, le départ doit se faire plus au sud. On compte deux points de départ pour cette route. Le premier est la ville de Val-d’Or[10] (pop. 32 789), pour une distance de 865 kilomètres, via les routes #111 et #109. Le deuxième est la ville de Saint-Félicien[11] (pop. 10 386) : un trajet de 1 025 kilomètres via la route #167 puis la route du Nord.

En partance de Val-d’Or, la route ne croise que les villes d’Amos (pop. 12 671) et de Matagami (pop. 1 526), respectivement à 65 et à 250 kilomètres, avant d’atteindre Radisson. Cette section intégralement pavée ne nécessite que deux jours de pédalage et laisse 615 kilomètres à parcourir, soit le plus grand écart entre deux villes parmi les quatre grandes routes du Nord américain. Heureusement, un relais routier se trouve 380 kilomètres au nord de Matagami. Cette imposante distance peut être parcourue à bicyclette en cinq jours, mais à des fins de sécurité, il vaut mieux transporter de la nourriture pour une journée supplémentaire.

Depuis Saint-Félicien, on atteint d’abord la ville de Chibougameau (pop. 7 555) après 230 kilomètres puis le village cri de Nemiscau (pop. 651) après 560 kilomètres. La route #167 étant asphaltée, cinq jours devraient suffire à un(e) cyclotouriste pour atteindre Nemiscau. Cette deuxième trajectoire réduit la distance à parcourir en autonomie à 465 kilomètres, et rapproche d’autant le relais routier. À la différence de la route de la Baie James, la route du Nord est en gravier. Cinq jours en selle sont nécessaires pour compléter ce trajet.

Au bout de la route, la ville de Radisson offre tous les services. En l’absence d’un océan pour marquer la fin de cette aventure, la centrale La Grande 2 et son évacuateur de crues en forme d’escalier sont situés à quelques kilomètres seulement. Pour une finale encore plus marquante, le village cri de Chisasibi (pop. 6 000) ne se trouve qu’à une journée de vélo à l’ouest de Radisson. La route pour s’y rendre croise la centrale La Grande 1 et se termine sur les rives de la Baie James, à la frontière du Nunavut.

Barrage La Grande 1 – Photo de Axel Drainville, Flickr

La route de la Baie James se distingue des trois autres routes par son relief peu accidenté. En l’absence de cols d’envergure, la quantité de points de vue est cependant grandement réduite. Les étés y sont plus chauds que dans le cas des deux routes de l’ouest, mais la température des mois de juillet et d’août est propice à la propagation d’insectes tels que les mouches noires. Pour ces raisons, le mois de juin est donc optimal pour visiter la région.

La jonction vers la route Transtaïga se trouve 75 kilomètres au sud de Radisson. Celle-ci est en gravier et s’étend 666 kilomètres vers l’est. Elle se termine au réservoir de Caniapiscau. Il s’agit de la route la plus isolée en Amérique du Nord, sa limite se trouvant à 740 kilomètres de la ville la plus proche. Selon des journaux de bord disponibles en ligne, cette route a déjà été empruntée par des cyclistes.

Route Translabradorienne, 2009 (15 jours)

La route Translabradorienne[12] est constituée des routes #510 et #500, à Terre-Neuve et Labrador, et de la route #389, au Québec. Elle relie Baie-Comeau (pop. 22 006) et Blanc-Sablon (pop. 1 067), sur une distance de 1 700 kilomètres, en passant par Labrador City (pop. 7 367), Happy Valley-Goose Bay (pop. 7 572) et les villages du sud de Labrador. La route Translabradorienne est unique, puisqu’elle est la seule pouvant former une boucle.

Cette spécificité signifie qu’il n’est pas nécessaire de parcourir la route dans les deux directions, une fois l’atteinte de son extrémité. Deux variantes existent : la boucle passant par les provinces de l’Atlantique, en empruntant les traversiers de Baie-Comeau à Matane, de North Sydney à l’île de Terre-Neuve, puis de St. Barbe à Blanc-Sablon; et la boucle empruntant la #138 puis le traversier de Kegaska à Blanc-Sablon.

Route #389 – Photo de Félix-Antoine Tremblay

Dans le sens horaire, c’est-à-dire en débutant à Baie-Comeau en direction Nord, il faut parcourir 585 kilomètres pour atteindre Labrador City. Des relais routiers sont présents aux kilomètres 95, 211 et 317, ce qui constitue de bons arrêts pour les trois premières journées.

La route #389 est étroite et sinueuse sur toute sa longueur. Elle est pavée sur 70 % de sa longueur et les pentes y atteignent souvent entre 10 et 15 %. Une pente à 18 % se trouve même au pied du barrage Daniel-Johnson (centrale Manic 5). Une fois passée la frontière du Labrador, la route #500 est quant à elle entièrement asphaltée et construite selon les normes contemporaines. Si les pentes sont plus faibles de ce côté de la frontière, le nombre de côtes ne diminue malheureusement pas.

Barrage Daniel-Johnson – Photo de Félix-Antoine Tremblay

À la sortie de Labrador City, il faut parcourir 240 puis 285 kilomètres pour atteindre les villes de Churchill Falls (pop. 650) et de Happy Valley-Goose Bay. Une fois au bout de la route #500, il faut rebrousser chemin sur cinq kilomètres pour retourner à la jonction de la route #510. Celle-ci n’a aucun service jusqu’à Port Hope Simpson (pop. 529) et n’est pavée que sur ses premiers et derniers 80 kilomètres, sur un total de 606 kilomètres.

Il faut parcourir 395 kilomètres afin de relier les deux villes. Heureusement, la route est large et les pentes sont faibles. La route traverse notamment le plateau Eagle, composé de marais et de forêt boréale. De Port Hope Simpson, il faut encore pédaler 140 kilomètres avant de retrouver la civilisation. Dès le retour sur une surface asphaltée, les pentes regagnent en inclinaison et la route devient étroite, ce qui n’est pas nécessairement un problème, puisque seules quelques dizaines de véhicules l’empruntent de façon journalière.

Route #389 – Photo de Félix-Antoine Tremblay

Pour plus d’information sur le vélo et sur ce genre d’aventures, vous pouvez suivre le Centre de réparation et d’ajustement de bicyclettes de l’ÉTS à l’adresse fb.me/CRABE.ETS ou passer nous voir à notre atelier situé au niveau S1 du pavillon A. 

[1] Itinéraire de Fairbanks à Deadhorse bit.ly/2b94R0a 
[2] Carte de la Dalton Highway bit.ly/2bsM14I
[3] Carte de la Elliott Highway bit.ly/2b7DrpT
[4] Carte de la Steese Highway bit.ly/2bkxdU5
[5] Aperçu Google Street View bit.ly/2bMIz4m 
[6] Carte de la Dempster Highway bit.ly/2bJoFqU
[7] Itinéraire de Whitehorse à Inuvik et position de Tuktoyaktuk bit.ly/2bMIuOg 
[8] Cartes de la Klondike Highway bit.ly/2bExyzO | bit.ly/2bE16g9 
[9] Itinéraire de Watson Lake à Inuvik bit.ly/2bsHKKg 
[10] Itinéraire de Val d’Or à l’aménagement Robert-Bourassa bit.ly/2bafcVl 
[11] Itinéraire de Saint-Félicien à l’aménagement Robert-Bourassa bit.ly/2bvibMZ 
[12] Itinéraire de Baie-Comeau à Blanc-Sablon bit.ly/2ba5ANj 

Cet article a d’abord été publié en septembre 2016 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


À vélo d’un océan à l’autre

  • 1 mai 2016/
  • Publié par : Félix-Antoine Tremblay/
  • 0 commentaires /
  • Under : À la découverte du nord, Collaborations, Récits de vélo

Pour les cyclotouristes canadien(ne)s, la traversée du Canada (de Vancouver à St John’s) est un rite de passage. Hormis les Rocheuses, il s’agit d’un pays relativement plat et sa traversée est plutôt simple : prendre la route Transcanadienne d’un bout à l’autre. Le défi de sa traversée est purement une question d’endurance, physique, évidemment, mais surtout mentale. Bien que le record de la traversée la plus courte ait été établi à 22,75 jours en 20111, au rythme incroyable de 300 kilomètres par jour, il est généralement admis qu’il en prend de 50 à 100 jours. La distance minimale séparant Vancouver et St John’s, sur route, est de 7 000 kilomètres.

Mon trajet sera cependant presque deux fois plus long à cause de plusieurs détours, mais surtout parce qu’il se poursuivra jusqu’à la fin de la route n° 138, à Kegaska, près de Natashquan. Ce premier détour est l’île de Vancouver.

Itinéraire de la traversée du Canada – Image par Félix-Antoine Tremblay
I – Île de Vancouver

Lors de mes précédents voyages, j’ai parcouru toutes les routes sortant de Vancouver vers l’est, soit la Sea to Sky Highway (#99) en 2011 et 2012 ainsi que la Coquihalla Highway (#5), la Crowsnest Highway (#3) et la route Transcanadienne (#1) en 2013. Le seul moyen restant de sortir de la ville est par l’ouest, soit vers Victoria. Cela tombe bien, puisque le « Mile 0 » de la route Transcanadienne s’y trouve. La tradition veut d’ailleurs que les cyclistes trempent les roues de leur monture dans l’océan Pacifique à cet endroit. Il en va de même pour l’océan Atlantique, près du « Mile One »2, une fois la traversée complétée.

« Mile 0 », Victoria – Photo par Andy S, Flickr

Pour atteindre le marqueur « 0 », depuis Vancouver, il faut prendre le traversier de Tsawwassen à Swartz Bay, une traversée d’environ 1 h 30, et pédaler un peu moins d’une centaine de kilomètres dans les banlieues de de Vancouver et Victoria. Depuis la capitale de la Colombie-Britannique, la Island Highway (#1 et #19) s’étire sur 500 kilomètres jusqu’à Port Hardy, à la pointe nord de l’île.

Dès la sortie de Victoria, la route grimpe sur les flancs du Mont Jeffrey pour atteindre le sommet Malahat à 350 mètres d’altitude. On peut y observer le bras de mer Saanich et, par beau temps, le Mont Baker, dans l’état de Washington, 130 kilomètres plus à l’est. Son tracé suit ensuite la côte est de l’île jusqu’à Campbell River, où elle bifurque vers les montagnes, s’éloignant enfin des zones plus populeuses avant de retrouver la côte à Port McNeill.

II – Colombie-Britannique

Une fois à la petite ville portuaire de Port Hardy, un autre traversier fait le lien vers Prince Rupert, le terminal de la branche nord-ouest de la route Transcanadienne, nommée localement la Yellowhead Highway (#16). Ce traversier met 22 heures pour effectuer l’imposante traversée de plus de 500 kilomètres et ne passe qu’une fois par semaine au printemps.

Le traversier emprunte le Inside Passage, une série de fjords étroits offrant de nombreux points de vue privilégiés, lesquels permettent d’apprécier le contraste entre l’Océan, la forêt et les sommets enneigés de la côte. La faune y est abondante et on peut y observer plusieurs mammifères marins, dont des épaulards. Ce passage est en fait le trajet emprunté par les croisières reliant la Colombie-Britannique à l’Alaska. Le traversier est cependant beaucoup moins luxueux, notamment pour les passagères et passagers n’ayant pas les moyens de s’offrir une cabine à bord.

Inside Passage, Colombie-Britannique – Photo par Alessandro, Flickr

Arrivé à Prince Rupert, l’aventure débute vraiment. Cette deuxième section du voyage sera parmi les plus ardues. En effet, la pluie est abondante dans les montagnes côtières et, au début du mois de mai, les températures oscillent généralement entre 0 et 10 degrés Celsius. De surcroît, il s’agit de la section la plus en altitude de la traversée, la route atteignant 1 131 mètres au Yellowhead Pass, tout juste avant d’atteindre Jasper. Cette section est également celle où les ours sont les plus présents, notamment les grizzlis. Ceux-ci devraient d’ailleurs être affamés, puisqu’ils sortiront tout juste de leur hibernation.

Le paysage compense toutefois largement la difficulté accrue. Après avoir quitté Prince Rupert, la route suit la majestueuse rivière Skeena sur plus de 200 kilomètres jusqu’à Hazelton, puis la rivière Buckley jusqu’au plateau Intérieur. Deux jours plus loin, la #16 rencontre le fleuve Fraser à Prince George, la « capitale nordique » de la Colombie-Britannique. C’est à cet endroit que le fleuve bifurque vers le sud en direction de sa source, laquelle se trouve 40 kilomètres au sud du col Tête-Jaune. Pour y arriver, le cours d’eau croise, entre autres, le mont Robson, la plus haute montagne des Rocheuses canadiennes, ainsi que le lac Moose, un lac turquoise d’environ 14 kilomètres carrés.

Mont Robson, Colombie-Britannique – Photo de GoToVan, Flickr
III – Provinces des prairies

À peine une journée à l’ouest de Jasper, les montagnes laissent place à la forêt boréale et, progressivement, aux champs interminables des prairies. La Yellowhead Highway se poursuit jusqu’à Winnipeg, mais j’effectuerai plutôt un détour par des routes secondaires jusqu’à Prince Albert, depuis Lloydminster, pour y revoir un couple d’ami(e)s.

Après ce petit détour, je regagnerai la route #16, près de Wynyard, en direction de Winnipeg, l’endroit où les deux branches ouest de la route Transcanadienne se rejoignent pour ne former que la route #1. Cette jonction marque également la fin des prairies, et le retour dans la forêt boréale, pour la quatrième section de ce voyage.

Les vents dominants soufflent vers l’est et cette section particulièrement plate devrait me permettre de franchir de grandes distances rapidement. Les praires sont toutefois le théâtre d’épisodes de grêle et d’orages violents. Ces événements météorologiques sont problématiques pour les cyclistes, puisque les abris sont rares dans les prairies.

Prairies, Alberta – Photo par Jeff Wallace
IV – Ontario et ouest du Québec

Cinq jours à l’est de Winnipeg se trouve Thunder Bay, la première ville digne de ce nom pour cette section, mais aussi la dernière avant Rouyn-Noranda. Les rares agglomérations de la région sont le résultat de l’exploitation minière et forestière. Les attraits touristiques y sont rares et celles-ci sont parfois espacées de centaines de kilomètres.

L’Ontario est la province la plus longue à traverser, soit plus de deux semaines. Elle est également réputée la plus difficile, mentalement. On dit que son paysage est douloureusement répétitif : des arbres, d’autres arbres, et encore des arbres.

Route 17, Ontario – Photo par Peter Waterman

Cela ne se règle toutefois pas une fois la frontière québécoise traversée. De Rouyn-Noranda, il faut encore mettre cinq jours en forêt pour atteindre Montréal. Heureusement, dès Mont-Laurier, il est possible d’emprunter le parc linéaire du P’tit train du Nord jusqu’à Saint-Jérôme, une piste cyclable en site propre croisant de nombreux villages et petites villes. Celle-ci a toutefois été l’objet de nombreux glissements de terrain dans les dernières années et son état est donc incertain.

V – Sud du Québec

Une fois à Montréal, dépendamment du bilan de la première phase de la traversée, je devrais être en mesure de profiter de quelques jours de vacances, notamment pour effectuer l’entretien de ma bicyclette, mais aussi pour penser mes plaies. Cet arrêt sera cependant de courte durée et je devrai repartir vers les provinces de l’Atlantique.

Le mauvais état actuel de la route des Navigateurs (#132) commande d’emprunter le chemin du Roy (#138) jusqu’à Québec, avant de traverser sur la rive-sud pour éviter les montagnes de Charlevoix. Ensuite, la route longe le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Sainte-Flavie, où se rencontrent les deux branches de la route #132.

Jonction des deux routes #132, Sainte-Flavie – Photo de Denis-Carl Robidoux

La branche sud traverse les Appalaches dans la vallée de la Matapédia, soit le lien le plus bas entre les versants nord et sud de la péninsule gaspésienne. La route s’élève de seulement 250 mètres vers le lac Matapédia, puis redescend lentement vers Campbellton, à l’estuaire de la rivière Ristigouche.

VI – Provinces de l’Atlantique

Le début de cette sixième section sera des plus agréables. La côte du Golfe du Saint-Laurent est relativement plate et bordée d’innombrables plages. De plus, la péninsule acadienne est réputée un paradis pour les cyclotouristes. J’en profiterai donc pour visiter, entre autres, Caraquet et Tracadie-Sheila.

Cabot Trail, Cap-Breton – Photo de Dennis Jarvis

Suite à un court passage par l’Île-du-Prince-Édouard, je ferai un dernier détour par le Cap-Breton et sa Cabot Trail avant de rejoindre Sydney pour y prendre un autre traversier. Moins long que le traversier de Port Hardy vers Prince Rupert, le traversier de Sydney à Argentia nécessite tout de même 16 heures pour effectuer la traversée de 550 kilomètres, dans l’océan Atlantique.

Une fois à Argentia, la St Mary’s Bay Highway (#90) et la Southern Shore Highway (#10) font le tour de la portion sud de la péninsule d’Avalon, la région la plus populeuse de l’île de Terre-Neuve. Cette presqu’île est reliée au reste de l’île par un isthme d’à peine cinq kilomètres de largeur, où passe la route Transcanadienne. À St John’s, deux sentiers pédestres sont des passages obligés : le Cap d’Espoir, le point le plus à l’est de l’Amérique du Nord; et Torbay Point, un cap rocheux s’avançant près de 500 mètres dans l’Océan.

Torbay Point, Terre-Neuve – Photo de Scott Howse

En plus de la route Transcanadienne, l’île de Terre-Neuve est traversée par un ancien chemin de fer, converti en sentier multifonctionnel : le Newfoundland T’Railway. À 400 kilomètres au nord de St John’s, les deux routes se séparent, entre Badger et Deer Lake. Cette section traverse le plateau central de Terre-Neuve, une zone aride, rocailleuse et constamment balayée par le vent. On peut y observer les Topsails, des drumlins s’élevant plusieurs dizaines de mètres au-dessus du plateau. La qualité de la piste est cependant très mauvaise et se prête plus à l’utilisation d’un vélo de montagne.

Deer Lake marque le début de la Great Northern Peninsula Highway (#430) et l’entrée dans le parc national du Gros-Morne, où l’on peut observer de nombreuses vallées glaciaires surplombées de sommets atteignant 800 mètres. Après le parc, la route se prolonge vers le nord vers le nord jusqu’à St Anthony, un peu au sud de L’Anse aux Meadows.

Parc national du Gros-Morne, Terre-Neuve – Photo de VisitGrosMorne, Flickr

L’Anse aux Meadows est un site historique mondialement reconnu où l’on a retrouvé des traces d’un campement viking datant de l’an 1000, de même que de cultures remontant à 3000 ans avant Jésus Christ. Ma route devrait cependant s’arrêter à St Barbe, puisque c’est là où se trouve le traversier vers Blanc-Sablon, une traversée de 1 h 45.

VII – Nord du Québec

Mon retour au Québec sera de courte durée, puisque la route #138 n’a jamais été complétée et que le seul lien, en été, entre Blanc Sablon et le reste du Québec passe par le Labrador, dont la frontière se trouve à seulement cinq kilomètres du quai. La Trans-Labrador Highway (#500 et #510) a été complétée en 2009 et consiste en un système de routes de gravier reliant, entre autres, Blanc Sablon à Red Bay, puis Happy Valley, Churchill Falls et Labrador City, où elle rejoint la route des Grands Barrages (#389). Cette route se termine à Baie-Comeau, croisant sur son chemin les barrages de la rivière Manicouagan, dont le plus connu : le barrage Daniel-Johnson (centrale Manic-5).

Churchill Falls, Labrador – Photo de Douglas Sprott

Au total, cette section isolée mesure environ 1 700 kilomètres. Soit approximativement la distance entre Vancouver et Regina, ou deux semaines à vélo. Il s’agira certainement de la section la plus exigeante du voyage.

Après un repos bien mérité à Baie-Comeau, il ne restera qu’à prendre la route des Baleines (#138) jusqu’à Kegaska, au bout du chemin, puis ce sera enfin terminé! Cette dernière section ne sera pas pour autant ennuyante, puisque la route suit le fleuve sur toute sa longueur et croise notamment le parc national de l’Archipel-de-Mingan, un chapelet d’îles calcaires où la faune marine est abondante.

Si tout se passe comme prévu, je serai de retour juste à temps pour le début de la session d’automne.

Archipel-de-Mingan, Québec – Photo de Marjolaine Samson

Enfin, si le cyclotourisme vous passionne également, rejoignez le Centre de réparation et d’ajustement des bicyclettes de l’ÉTS (CRABE) afin d’obtenir des conseils et d’accéder à une multitude d’avantages, notamment un atelier de mécanique cycliste tout équipé et accessible en tout temps. Vous pouvez aussi suivre le CRABE sur Facebook à l’adresse fb.me/CRABE.ETS.

Bon été!

1 Cross-Canada fundraisers hit the road – National Post
2 Le « Mile One Center » est un aréna situé à St John’s. Ce lieu est considéré la fin de la route transcanadienne.

Cet article a d’abord été publié en mai 2016 dans L’Heuristique, soit le journal étudiant de l’ÉTS. Il est reproduit sur ce blogue sur autorisation de l’auteur, en conformité avec Creative Commons [CC BY NC ND 4.0].


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