Relier deux mondes

ᐱᑐᖃᑎᒌᑦᑎᓯᓂᖅ
ᓄᓇᓕᕐᔪᐊᓂᒃ ᒪᕐᕉᓂᒃ

Texte: David Désilets et Samuel Lalande-Markon
Photos: David Désilets

Du 5 juillet au 5 août 2018, David Désilets et de Samuel Lalande-Markon ont relié Montréal à Kuujjuaq, à vélo et en canot. Un périple de 2635 km à travers la taïga.

Par le hublot du Dash-8 se dessine la majestueuse rivière Koksoak qui pénètre profondément dans la taïga. Autoroute liquide et naturelle qui a porté les deux aventuriers à destination. Rapidement, l’avion atteint le blanc lumineux des nuages et les passagers perdent toute référence avec la surface de la terre. Le vrombissement assourdi des moteurs invite à se déconnecter encore plus et à profiter de cet espace-temps durant lequel Samuel et David quittent le monde nordique pour regagner le monde du sud.

Un mois plus tôt, c’est par la voie de terre, à vélo, que Samuel Lalande-Markon s’élançait de Montréal vers le bout de la route la plus isolée du Québec. Trois jours plus tard, il avait atteint Matagami avec 825 km au compteur. Extrême limite du sud organisé autour de la vallée du Saint-Laurent, Matagami est la porte d’entrée de l’immense taïga, dominée par le vert des épinettes et le bleu des rivières. Au kilomètre 544 de la Route de la Baie James, Samuel a quitté l’asphalte pour le gravier de la route Transtaïga qu’il a pédalé franc est jusqu’au réservoir Caniapiscau. Après 8 jours et demi et 2035 km, ses pneus ont cessé leurs folles révolutions sur le bord d’une plage du lac Montausier, à quelques pas du 55e parallèle et du Nunavik. Là, David Désilets l’a rejoint en véhicule avec tout l’équipement pour poursuivre l’expédition, en canot cette fois. Direction nord!

Au fil de l’eau

Les premiers jours de canot les ont mené des lacs de tête du bassin de l’Ungava à la tumultueuse rivière Sérigny. Défi de canoteurs aussi enivrant que méconnu, ce cours d’eau dégringole au travers d’un décor vallonné, révélant des paysages saisissants. Un éprouvant portage de deux jours leur a fait quitter le lit de la rivière, passage obligé par les montagnes et les marécages pour accéder à la rivière Caniapiscau. Ce long fleuve tranquille recelant lui aussi de nombreux trésors à l’abri de tout regard humain, leur a permis de traverser le lac Cambrien et de franchir la Chute aux Schistes, cassure impressionnante de 500 mètres de large qui serait assurément une attraction internationale, si ce n’était son isolement dans un univers totalement infesté par les mouches noires. Enfin, 21 jours et 600 km après la mise à l’eau, la coque de leur canot a échoué à marée basse sur la plage de Kuujjuaq dans l’eau salée de la Koksoak, atteignant l’embouchure de la Baie d’Ungava et du fait même, le monde inuit.

Nordicité

Dans l’avion du retour, ils repensent aux 2635 km parcourus, aux 31 levers et couchers de soleil, au contact privilégié avec cette nature dont ils ont été les bénéficiaires presqu’exclusifs. Le Québec du nord est maintenant moins abstrait pour ces deux intrépides. « Avoir foulé sa terre et senti son odeur l’a rendu plus tangible, plus accessible, encore plus attrayant, confient-ils. Ce périple nous fait saisir mieux cette idée du « Tout-Québec » pour nous réapproprier notre identité nordique. » Mais déjà, les pneus crissent sur la piste de l’aéroport de Montréal cette île,  elle aussi, entourée d’épinettes.

Article publié dans l’édition d’automne 2019 du magazine Air Inuit

Lire l'article