Jusqu’à l’arrivée des transmissions à 10 pignons, l’industrie du vélo a cherché à augmenter le nombre de plateaux et de pignons. Avec 3 plateaux, celles-ci offraient jusqu’à 30 combinaisons théoriques. En réalité, plusieurs de ces combinaisons étaient toutefois impossibles à engager en raison de contraintes physiques, soit notamment l’angle de la chaîne, ou offraient les mêmes ratios, soit des combinaisons différentes de plateaux et de pignons, mais offrant le même avantage mécanique, par exemple 24/24 et 32/32 ou 24/21 et 32/28.

Transmission 2×8 – Image par Keithonearth

Lorsqu’est venu le temps de mettre en marché les transmissions à 11 pignons, l’industrie a toutefois choisi de réduire le nombre de plateaux et donc le nombre de combinaisons théoriques, plutôt que de l’augmenter à 33. Malgré ce recul apparent, on faisait alors miroiter des plages de ratios similaires à celles transmissions à plateau triple en raison de cassettes plus grosses, et ce, avec des gains en masse et en simplicité. En 2012, SRAM lançait son premier groupe de transmission à plateau unique (communément nommé « 𝘰𝘯𝘦-𝘣𝘺 ») [1].

À l’époque, je ne m’étais pas laissé convaincre. De ce fait, lorsque j’ai assemblé mon Marinoni Turismo Extreme en 2014, j’ai choisi une transmission 3×10, soit 3 plateaux et 10 pignons. Pour m’assurer de pouvoir monter les pires cols en charge, j’ai choisi des plateaux de 24, 32 et 42 dents en combinaison avec une cassette 11-36, c’est-à-dire avec des pignons de 11 à 36 dents. Cette transmission offrait une plage de ratios de 573 %, soit l’écart entre l’avantage mécanique offert par la plus grande et la plus petite combinaison.

En 2016, SRAM a mis en marché une transmission 1×12 dotée d’une cassette 10-50, soit une plage de ratios de 500 % [1]. C’est cette technologie qui a donné le coup de grâce aux plateaux triples. En raison de leur disparition, lorsqu’est venu le temps de configurer la transmission de mon nouvel Anticosti de Panorama Cycles, le choix d’une transmission à un ou deux plateaux s’imposait donc. N’ayant rien connu d’autre, j’étais tout de même sceptique, bien que particulièrement intrigué par la possibilité de me défaire de mon dérailleur avant. Pour me rassurer, j’ai calculé la différence entre les ratios de l’ancienne et de la nouvelle transmission. Pour ce faire, j’ai utilisé l’outil que j’avais présenté dans Bien choisir ses ratios à vélo.

Transmission 1×12 de SRAM – Image de Vojo Mag
Plage de vitesses

Sans surprise, la transmission à plateau triple offre la place de ratios la plus grande, soit 573 %. Cela dit, la plus grande cassette chez SRAM offre une plage de ratios de 520 % contre 510 % chez Shimano. La véritable question est donc : avais-je réellement besoin d’une plage de ratios de 573 %?

Après avoir converti ces ratios en valeurs appréciables, soit des plages de vitesses, il semble que non. En posant comme point de comparaison une cadence de 100 RPM et des pneus ETRTO 622×32, la transmission de mon Marinoni permettrait de pédaler de 8,6 à 49,4 km/h. En comparaison, en posant l’hypothèse d’un plateau unique de 34 dents combiné à une cassette 10-51, cette transmission permettrait de pédaler de 8,6 à 44,0 km/h. Il est à noter que l’on peut pédaler à une cadence beaucoup plus lente que 100 RPM et atteindre ainsi des vitesse inférieures, comme le montre le tableau ci-dessous.

Plage de vitesses d’une cassette 10-51 – Image par Félix-Antoine Tremblay

Pour ma part, je n’ai jamais ressenti le « besoin » de pédaler à plus de 44 km/h, bien que j’aie par le passé profité de cette possibilité. Grâce à la flexibilité dans le dimensionnement des plateaux sur les pédaliers contemporains, il est véritablement possible d’adapter la plage de ratios à ses préférences personnelles. De ce fait, sur mon nouveau Panorama Cycles, j’en profiterai pour réduire la taille du plateau à 32 dents et bénéficier d’un meilleur avantage mécanique à basse vitesse. En contrepartie, la vitesse maximale sera réduite pour une plage de 8,1 à 41,4 km/h, en maintenant les autres hypothèses.

Autres avantages

En plus de la personnalisation, ces systèmes comportent plusieurs autres avantages. Effectivement, lorsqu’on prend en compte leur simplicité, on peut espérer une réduction de 15 à 20 % de la masse de la transmission en passant d’un système à plateau triple à un 𝘰𝘯𝘦-𝘣𝘺[2]. Ce gain est obtenu grâce à l’absence de dérailleur avant, de la manette y étant associée, du câble entre les deux et des plateaux supplémentaires. À cela s’ajoutent les bénéfices liés à l’entretien et à la durabilité. D’abord, qui dit moins de pièces dit moins de pièces à entretenir. Ensuite, les innovations technologiques ont permis d’augmenter la durée de vie des chaînes à 11 et 12 vitesses par rapport aux technologies précédentes [3].

En somme, dans le cas des transmissions de vélo, les avancées technologiques de la dernière décennie semblent ne comporter que des avantages : plus léger, plus durable, plus simple, plus personnalisable, etc. Toutefois, seul l’avenir me dira si cet enthousiasme était justifié.

Postface

Un des sujets qui n’est pas abordé dans le texte précédent est l’écart de développement entre chaque combinaison sur les transmissions one-by. En effet, on pourrait par exemple obtenir la même plage avec deux ou douze pignons dont le plus petit et le plus gros auraient respectivement le même nombre de dents.

En reprenant le même exemple que précédemment, soit une transmission à trois plateaux de 24, 32 et 42 dents et à 10 pignons de 11 à 36 dents [4] ainsi qu’une transmission à un plateau de 34 dents et à 12 pignons de 10 à 51 dents [5], on peut produire les combinaisons respectivement présentées à la première et à la troisième colonne du tableau ci-dessous. Afin de considérer les limites liées à l’angle de la chaîne avec un dérailleur avant, on pose pour hypothèse que 60 % de la plage est accessible sur chaque plateau. Les ratios résultants sont présentés dans la seconde colonne du tableau. Enfin, pour obtenir des valeurs appréciables, on poursuit avec l’hypothèse d’une cadence de 100 RPM et de pneus ETRTO 622×32.

Combinaisons théoriques d’une transmission à un ou trois plateaux – Image par Félix-Antoine Tremblay

D’abord, on remarque qu’il ne reste que 18 des 30 combinaisons initiales dans la deuxième colonne du tableau. Ensuite, on remarque que deux de ces combinaisons sont identiques, ce qui porte à 17 le nombre de combinaisons effectives. Enfin, comme la transmission à trois plateaux a une plus grande plage de ratios, la combinaison offrant le plus grand développement ne contribue pas à réduire l’écart entre chaque combinaison. En rapportant chacune d’entre elles sur un histogramme, on obtient le portrait ci-dessous.

Combinaisons possibles d’une transmission à un ou trois plateaux – Image par Félix-Antoine Tremblay

Puisque plus de combinaisons sont possibles pour une plage de ratios similaire, l’écart moyen entre chaque combinaison est plus grand pour la transmission à un seul plateau que pour celle à trois plateaux. Néanmoins, comme les combinaisons résultent du nombre de dents de l’unique plateau, l’utilisation d’un plus petit plateau réduit proportionnellement l’écart de développement entre chaque combinaison. On peut donc conclure que la différence sera notamment ressentie sur route, soit là où la cadence est la plus stable et où la vitesse de pointe est plus élevée.

[1] https://www.sram.com/en/company/about/history
[2] https://www.cyclingabout.com/1x-2x-3x-drivetrain-for-touring-bikepacking/ 
[3] https://www.pinkbike.com/news/4-key-facts-from-the-cycling-tips-ultimate-chain-test.html
[4] Une cassette 11-36 de 10 pignons Shimano XT inclut les pignons suivants : 11, 13, 15, 17, 19, 21, 24, 28, 32 et 36 dents https://bike.shimano.com/en-EU/product/component/saint-m820/CS-M771-10.html
[5] Une cassette 10-51 de 12 pignons Shimano XT inclut les pignons suivants : 10, 12, 14, 16, 18, 21, 24, 28, 33, 39, 45 et 51 dents https://bike.shimano.com/en-EU/product/component/deore-xt-m8100/CS-M8100-12.html