Dans le cadre de l’expédition Route blanche 2020, le ravitaillement doit principalement être effectué par voie postale afin de permettre l’approvisionnement en nourriture lyophilisée. Ces ravitaillements doivent permettre une autonomie de trois ou quatre jours. En hiver, en plus de la nourriture, il est important de déterminer sa consommation de carburant afin d’en déterminer les méthodes d’approvisionnement.

Ravitaillement postal, Labrador – Photo par Félix-Antoine Tremblay

On trouve aisément des cartouches de combustible sous pression (un mélange d’isobutane et de propane) au Canada, et ce, même en région. Toutefois, selon Mountain Safety Research (2018) et Mountain Equipment Coop (2019), ce type de carburant est moins performant en hiver. On recommande plutôt l’utilisation de réchauds au naphta ou multicombustibles. Les seconds permettent d’utiliser, comme leur nom l’indique, de nombreux combustibles, notamment de l’essence conventionnelle.

Cela dit, l’usage de carburant contenant plus d’impuretés, comme l’essence conventionnelle ou le diésel, augmente les risques de gel en conditions hivernales. Conséquemment, il n’est pas souhaitable d’utiliser l’essence vendue en station-service.

Ravitaillement en essence, Yukon – Photo par Félix-Antoine Tremblay

Afin de garantir l’approvisionnement en naphta dans les villages précédemment identifiés comme points de ravitaillement, il est nécessaire de le livrer sur place. L’article 51 de la Loi sur la Société canadienne des postes (Gouvernement du Canada, 2019a) qui régit les substances explosives, dangereuses et destructives, sans s’y limiter, réfère à la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses (Gouvernement du Canada, 2019b) pour les conditions permettant le transport de matières dangereuses tel le naphta. Celles-ci incluent notamment l’obligation de procéder par voie terrestre. Les envois postaux des villages qui ne sont pas reliés par la route au reste du pays sont cependant effectués par voie aérienne (Poste Canada, 2019a). Conséquemment, il est impossible d’utiliser le service postal.

Relais Nordik Inc. (2019b) effectue cependant le transport de matières dangereuses. Les villes de Rimouski, Sept-Îles et Havre-Saint-Pierre sont desservies par Poste Canada (2019b), par voie terrestre, et par Relais Nordik Inc. (2019a), par voie maritime. On peut donc acheminer le carburant en deux étapes. Pour ce faire, un contact dans une de ces villes, de même que dans les villes où les ravitaillements sont destinés, est cependant nécessaire afin de lier les deux services, en plus de décharger le colis à son lieu d’arrivée. Malgré la complexité de ce procédé, il s’agit vraisemblablement de l’unique moyen de garantir l’approvisionnement en naphta sur la Route blanche, et ce, légalement.

Mountain Safety Research (2018) rapporte que leurs réchauds permettent de faire bouillir entre 1,3 et 2,8 L d’eau par once de carburant, en conditions normales. Il n’est pas précisé de quel type d’once il s’agit, mais la compagnie mesure que son produit SuperFuel (naphta) a un volume de 32 onces, ou 1 quart, ou 946 ml. Conséquemment, on peut supposer qu’il s’agit d’une once liquide des États-Unis, soit un peu moins de 30 ml.

Dans le cas de Katadyn Group (2019a, 2019b) et de leurs réchauds Optimus Polaris Optifuel et Optimus Nova, la consommation de carburant pour amener 1 L d’eau à ébullition est respectivement établie à 13,6 et 10,5 ml. Cela correspond à environ 2,2 et 2,8 L d’eau pour 1 oz liq (É-UA) de carburant. Les fiches de ces produits ne spécifient pas quel type de carburant a été utilisé, mais Mountain Safety Research (2018) établit clairement que le naphta n’est pas le carburant le plus efficient. Conséquemment, on retient la valeur conservatrice de 30 ml de naphta pour 1,3 L d’eau bouillie.

Réchaud à cartouche – Photo par Jack Amick, Flickr

Ces données sont fournies pour un environnement contrôlé. Or, la performance des réchauds est influencée par la température et le vent, sans s’y limiter. De plus, chauffer de l’eau et de la neige nécessite différentes quantités d’énergie. Lankford (2017) établit qu’il faut fournir : 2,1 kJ à 1 kg de glace pour augmenter sa température de 1°K; 334 kJ à 1 kg de glace pour la faire fondre; et 4,2 kJ à 1 kg d’eau pour augmenter sa température de 1°K.

En supposant que les tests de Mountain Safety Research sont basés sur de l’eau à 20℃, soit la température de référence pour de telles mesures (Doiron, 2007), on peut déterminer que l’eau a subi une variation de 80℃ pour atteindre son point d’ébullition. Ce réchauffement a nécessité 336 kJ, soit environ autant d’énergie que pour liquéfier de la glace. En supposant que faire fondre de la neige ou de la glace nécessite une quantité d’énergie similaire et que la neige a une température d’environ 0℃, puisque la neige est un bon isolant et que le sol et les plans d’eau dégagent la chaleur qu’ils ont accumulée, on peut déduire que faire bouillir 1 kg de neige nécessite approximativement 754 kJ. Sachant que la masse de 1 L d’eau est de 1 kg, il faut donc un peu plus de deux fois plus d’énergie pour faire bouillir 1 L d’eau que ce qui est indiqué par Mountain Safety Research. Conséquemment, on peut supposer qu’il faut environ 2 oz liq (É-UA) ou 60 ml de naphta pour porter 1 L d’eau sous forme de neige à 0℃ à son point d’ébullition.

Afin de minimiser la consommation de carburant, l’usage de tablettes de purification est souhaitable. En effet, Centers for Disease Control and Prevention (2013) recommande de faire bouillir l’eau pendant au moins une minute afin de la rendre propre à la consommation humaine, soit une dépense énergétique supplémentaire.

Eau traitée à l’aide d’une tablette de purification, Alaska – Photo par Félix-Antoine Tremblay

En ce qui a trait à la consommation d’eau, Passeport Santé (2009) rapporte que l’Institute of Medecine des États-Unis d’Amérique recommande aux hommes de la fixer à 3 L par jour, et ce, sous différentes formes. De manière conservatrice, on peut supposer que la consommation individuelle ne dépasse pas 5 L par jour en conditions hivernales.

On peut toutefois la réduire lors de la première journée de chaque tronçon, puisque l’eau potable et liquide est accessible dans les villages. On suppose le transport de 3 L au moment du départ. En raison de l’inactivité, il est également possible de réduire le volume anticipé pour les journées supplémentaires prévues à la section 5.1. Pour celles-ci, on suppose une consommation de 3 L comme recommandée par Passeport Santé (2009).

Conséquemment, pour une période maximale de quatre jours entre deux points de ravitaillement, il faut prévoir 15 L d’eau par personne. Afin de faire bouillir cette quantité d’eau, et en négligeant les autres sources d’eau, il faut donc prévoir 900 ml de naphta ou 1 quart (946 ml). Ce volume correspond à deux bouteilles à combustible de 600 ml par personne, puisque leur capacité recommandée est de 450 ml.

Avant le départ pour l’expédition Route blanche 2020, des essais in situ lors d’expéditions de préparation afin de confirmer ces résultats.

Références

Lankford, H. V. & Fox, L. R. (2017). Melting Ice and Boiling Water in the Mountains: A History and Physics Essay. Wilderness & Environmental Medicine. 28(4), 370–374.

Gouvernement du Canada (2019a). Loi sur la Société canadienne des postes. L.R.C. (1985), ch. C-10.
Gouvernement du Canada (2019b). Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses. L.C. 1992, ch. 34.

Katadyn Group (2019a). Optimus Polaris Optifuel.
Katadyn Group (2019b). Optimus Nova.
Mountain Equipment Coop (2019). Comment choisir un réchaud.
Mountain Safety Research (2018). Stoves 101: How much fuel should I carry?.
Passeport Santé (2009). Boire de l’eau : pourquoi et combien?.
Poste Canada (2019a). Liste des bureaux du service aérien omnibus.
Poste Canada (2019b). Trouver un bureau de poste.
Relais Nordik Inc. (2019a). Horaire automne-hiver 2019-2020.
Relais Nordik Inc. (2019b). Je veux expédier.