Comme il a été établi dans le document de projet produit pour l’Expédition Route blanche 2020, celle-ci comporte une panoplie de risques de différentes probabilités et gravités. Spécifiquement, l’élément le plus critique est l’ouverture de la Route.

En effet, selon Le Nord-Côtier, la Route blanche n’a été entièrement ouverte à la circulation qu’en moyenne 31 jours par année de 2011 à 2018, en incluant notamment deux saisons où elle ne l’a jamais été complètement. Selon Radio-Canada, de 1999 à 2015, la Route a été ouverte en moyenne 52 jours par année.

Dégel – Photo par inconnu, Pxhere

La durée prévue de l’expédition de Havre-Saint-Pierre à Blanc-Sablon est de 29 jours. Cela laisse donc peu de marge de manœuvre pour réaliser le projet dans son ensemble. Si une section fermée se trouve sur le chemin, il n’existe aucun moyen de la contourner et il faut attendre ou rebrousser chemin.

Face à ce constat, et considérant les efforts qui ont mené à la réalisation du projet, il serait absurde de se refuser à planifier un plan B. Si la Route blanche n’ouvre jamais, nous aurons le temps et l’équipement pour effectuer un projet similaire.

Malheureusement, il n’existe pas d’équivalent québécois à la Route blanche. Nous avons donc jeté notre regard vers le nord et Schefferville : un autre endroit où on ne trouve aucune route permanente. En hiver, des options semblent toutefois possibles.

Schefferville – Photo par Jean-Pierre Magnan, Flickr
Le trajet

Toujours dans l’optique de minimiser nos besoins en transport automobile, nous avons fixé le point de départ à Baie-Comeau, là où passent des autobus interurbains. De là, il faut emprunter la route 389 jusqu’à son extrémité nord, à la frontière du Labrador.

Sur son tracé, on croise d’abord la centrale Jean-Lesage (Manic-2), puis la centrale Manic-5 et le barrage Daniel Johnson. Plus au nord, on traverse les monts Groulx, puis l’ancien village de Gagnon. Finalement, avant de pénétrer le Labrador, on passe près des mines de Fire Lake et de mont Wright. On peut alors visiter Fermont, ou poursuivre directement vers Labrador City.

Barrage Daniel Johnson – Photo par Félix-Antoine Tremblay

À cet endroit, on se trouve sur la route 500, laquelle se poursuit jusqu’à Goose Bay, quelque 500 kilomètres plus à l’est. Pour se rendre à Schefferville, on n’a cependant qu’à se rendre à Emeril Junction, près de la rivière Ashuanipi. C’est là que le chemin de fer de Transport Ferroviaire Tshiuetin croise la route 500.

Deux options sont alors envisageables. La première est de poursuivre jusqu’à Churchill Falls, 180 km à l’est, et de refaire la même distance vers l’ouest, en prenant cette fois-ci l’embranchement vers Esker Siding, le long du chemin de fer ci-haut mentionné. La seconde est de rouler sur les sentiers de motoneige longeant le chemin de fer, et ce, jusqu’à Esker Siding.

Deux sentiers de motoneige non entretenus relient aussi Wabush, près de Labrador City, ainsi que le lac Grande-Hermine, le long de la route 500, à Esker Siding. Il n’apparaît cependant pas avantageux de les utiliser à vélo, puisqu’on peut plutôt circuler sur la route 500 jusqu’à Emeril Junction.

Transport Ferroviaire Tshiuetin – Photo par Ian Schofield, Flickr

À partir d’Esker Siding, il n’existe aucun sentier entretenu allant vers le nord. Il faut donc rouler (ou plus probablement marcher) sur le lac Ashuanipi jusqu’à la centrale hydroélectrique de Mehinek, 75 km plus au nord. Une route d’accès relie ensuite la centrale et Schefferville, qui ne se trouve qu’à 45 km de là.

On peut ensuite poursuivre son chemin sur 10 km jusqu’à la communauté naskapie de Kawawachikamach. Celle-ci constitue le point le plus au nord que l’on puisse rejoindre par train, par route ou par une combinaison des deux, au Québec ou au Labrador.

À moins de faire le trajet inverse, on doit alors prendre le train ou l’avion pour retourner au sud. Dans notre cas, ce serait le train vers Sept-Îles, puis l’autobus vers Montréal. Cette carte interactive représente le trajet de ce plan B!

Carte du plan B – Image adaptée de Google My Maps
Ravitaillement

À la différence de la Route blanche, le ravitaillement est problématique sur cette route qui n’en est pas une. De Baie-Comeau à Fermont, on trouve quatre relais routiers. Cela dit, aucun d’entre eux n’est doté d’un bureau de poste.

Il faut donc contacter ces relais, notamment le Motel de l’Énergie et le Relais Gabriel afin d’y livrer ledit ravitaillement, puisque les deux autres sont trop près de Baie-Comeau pour être utiles à cette fin. Fermont et Labrador City disposent quant à eux de bureaux de poste. Il en va de même pour Churchill Falls.

C’est ici qu’un choix doit être fait : parcourir d’un trait la route entre Labrador City et Esker Siding ou faire un imposant détour vers Churchill Falls afin de s’y ravitailler. À cette étape du projet, la décision n’a pas été prise. Il apparaît toutefois que ce détour peut en valoir la peine, notamment puisqu’il existe une route permanente entre ces deux endroits et qu’un passage par Churchill Falls permet de visiter les spectaculaires chutes du même nom.

25 jours de Ziploc – Photo par David Désilets

D’une manière ou d’une autre, le tronçon de Churchill Falls ou de Labrador City jusqu’à Schefferville est le plus imposant, soit respectivement 300 km ou 285 km. Non seulement il est significativement plus long que ceux que l’on retrouve sur la Route blanche, mais, faute d’un sentier entretenu, il est probable que la circulation y soit plus lente.

Il pourrait donc être de trois à quatre fois plus long d’effectuer ce trajet que celui de La Romaine à Chevery. Conséquemment, il est probable qu’il soit obligatoire de mandater un(e) motoneigiste ou un(e) passager(e) du train de transporter une caisse de ravitaillement jusqu’à Esker Siding, faute de quoi un traîneau rigide sera nécessaire.

Un tel montage s’est vu dans le cadre d’autres expéditions, comme celle de Mathieu Beaudoin sur la route Transtaïga en 2017. Cela dit, puisque ce n’est pas prévu dans le cadre de l’Expédition Route blanche, cela représenterait un défi logistique supplémentaire à surmonter, et ce, très rapidement, à supposer que nous devions nous en remettre au plan B.

Route Transtaïga – Photo par Mathieu Beaudoin